logo france stratégie

Grande distribution : vers davantage d’automatisation après le confinement ?

La crise du Covid-19 conduit à une remise en question radicale des activités de travail notamment dans le secteur de la grande distribution. Les priorités passées ont laissé place à de nouveaux enjeux : la protection des salariés face aux risques sanitaires et le maintien de l’activité pour répondre aux besoins de la population. Dans cette optique, France Stratégie, dans sa dernière enquête intitulée “les métiers au temps du corona”, se propose d’identifier les nouveaux risques auxquels sont confrontés les salariés français, dont ceux du commerce alimentaire.

L’exécutif a dû s’atteler à une mission inédite : préparer un plan de déconfinement afin de mettre la France sur les rails d’une reprise économique. Phase qui implique de développer de nouvelles organisations du travail conformes aux règles sanitaires. De nouvelles organisations pour répondre aux inquiétudes des salariés qui ont tout un chacun changés de regard sur leur profession. Certains n’auraient jamais pensé pouvoir pratiquer leur activité en télétravail. D’autres ont éprouvé de vives inquiétudes, mis sur le banc de touche en raison des mesures de confinement. Enfin, certains sont soumis à des risques sanitaires alors qu’ils sont au “front” pour assurer une continuité de l’activité économique. Ébranlés par des semaines de confinement, beaucoup de salariés sont vulnérables économiquement et socialement. C’est pourquoi, France Stratégie, dans une note publiée le mercredi 29 avril, a décidé d’étudier la “vulnérabilité” des métiers en temps de crise. Une analyse inédite, dans laquelle sont intégrés les métiers de la grande distribution soumis à une vulnérabilité d’ordre sanitaire.

La fragilité des métiers de la grande distribution à l’ère post-confinement

L’enquête de France Stratégie se propose d’analyser la vulnérabilité des professions dans le contexte de la crise sanitaire. Parmi les vulnérabilités identifiées, la vulnérabilité d’ordre sanitaire qui concerne les hommes et femmes en “seconde ligne”. À cet égard, les professions dont l’activité est maintenue puisque non soumise aux mesures de confinement sont exposées à un risque virologique important, notamment pour celles qui entretiennent un contact avec le public.

Selon l’enquête de France Stratégie, les métiers de l’agriculture et du commerce alimentaire sont soumis à un risque infectieux par leur contact direct avec le public : 57 % font habituellement face aux clients. C’est le cas des hôtes et hôtesses de caisses, une profession pleinement mobilisée afin d’assurer la continuité du service d’alimentation. À cette forte mobilisation, encouragée par des assouplissements gouvernementaux en termes de droit du travail, il faut ajouter les horaires atypiques, le week-end et les jours fériés. Dans les métiers de l’agriculture et du commerce alimentaire, qui représentent 28% des effectifs au “front”, ils sont 69 % à travailler le week-end. Une charge de travail conséquente, qui rend difficile de concilier garde d’enfants et rythme de travail important. Pour ces métiers, l’intensité des risques et la contrainte physique sont de l’ordre de 0.35 sur 1, de 0.34 sur 1 pour l’intensité de la pression temporelle, et de 0.30 sur 1 pour l’intensité de la charge mentale. Des indicateurs qui devraient avoir tendance à augmenter dans la phase de déconfinement en raison des risques sanitaires qui pèseront et des contraintes de disponibilité du personnel. Au regard de ces chiffres, dans la phase de déconfinement comme dans celle de confinement, l’enjeu du secteur est de limiter l’exposition des salariés aux risques sanitaires. Pour cela, l’organisation du travail doit être revue, les technologies d’achat encouragées.

Construire un cadre de travail protecteur pour les salariés et clients de la grande distribution

Au-delà des chiffres, la médiatisation des cas graves et des décès, y compris pour des personnes qui n’appartiennent pas à la population à risque, conduit à une prise de conscience des risques encourus à titre personnel. Les salariés, notamment dans la grande distribution, demandent à être protégés afin d’éviter la propagation de l’épidémie au sein de leur foyer mais aussi au sein de la population. Une aspiration somme toute légitime des “premiers de cordée”, à laquelle la grande distribution a rapidement apporté des réponses.

De ce point de vue, les efforts déployés afin d’organiser les espaces de travail sont à porter au crédit de la grande distribution. Gants, visières, vitres en plexiglas, commandes de masques de protection, recours aux caisses automatiques, distanciation sociale, régulation du flux d’entrée, technologies d’achat sont autant de solutions déployées avec réussite par la grande distribution. Preuve en est, la continuité du service d’alimentation pendant la crise sanitaire, et ce, dans de bonnes conditions pour les salariés comme clients. Si la grande distribution a su construire un cadre de travail protecteur, ce n’est pas le cas d’Amazon, dont l’afflux des commandes a rendu plus que difficile le respect des règles d’hygiène. Mission donc périlleuse que de concilier forte demande des clients et respect des mesures sanitaires.

Dans la phase de déconfinement, les risques seront toujours présents. En ce sens, sur le même modèle développé pendant le confinement, la grande distribution va devoir proposer un cadre de travail répondant aux exigences de prévention et de protection. Aussi bien au niveau de la chaîne d’approvisionnement que de la chaîne de distribution. La mise en oeuvre de la distanciation sociale et des gestes barrières sera d’autant plus cruciale que les consommateurs reprendront un train de vie normal au vu de la disparition progressive des restrictions de déplacement. Il s’agira de rassurer les salariés car la continuité de l’activité dépend d’eux, de leur évaluation vis à vis de la conformité des mesures sanitaires proposées. Il faudra faire preuve d’ingéniosité et d’inventivité pour redéfinir le parcours d’achat, de l’entrée à la sortie du magasin. C’est à dire une redéfinition du circuit client via une offre omnicanale, une réorganisation des postes de travail pour limiter les contacts, et enfin, une nouvelle définition des normes de nettoyage des surfaces. Ce travail est d’autant plus compliqué que les annonces gouvernementales sont assez ambiguës sur le sujet, et semblent laisser le soin aux entreprises de s’adapter à leur façon aux contraintes sanitaires. À ces nouvelles règles d’hygiène et d’organisation du travail, l’automatisation, longtemps décriée par les syndicats, peut être une solution à développer, si ce n’est à envisager.

Le recours à l’automatisation, une solution pour pallier aux risques sanitaires dans la grande distribution

D’une part, pour Laurent Alexandre, chirurgien-urologue et essayiste “tant qu’il reste un risque virologique, nous préférerons avoir des machines que d’avoir des hommes”. De l’autre, Anne-Laure David, entrepreneur et fondatrice d’IParadigme rappelle que “l’automatisation n’est pas l’ennemie de l’emploi”. Ces deux propos, tirés d’interview menées par l’Observatoire du Travail le Dimanche, nous laissent à penser que l’automatisation est une tendance à venir, au lendemain de la séquence de confinement. Cela en raison de nombreux avantages sanitaires offerts par cette technologie d’achat.

Si l’automatisation est déjà présente dans le secteur de la logistique, avec des entrepôts autonomes, les supermarchés français ont été confrontés à quelques réticences de la part des acteurs syndicaux. Des réticences vis à vis de l’utilisation des caisses automatiques, et plus généralement du modèle d’ouverture dominicale proposée, de longue date, par l’enseigne Casino. Pourtant, dans le contexte sanitaire actuel, les avantages de leur utilisation sont nombreux. D’une part, les caisses en libre service permettent de promouvoir les gestes barrières en réduisant les contacts, en encourageant les paiements via la technologie NFC, et en fluidifiant le trafic client. De l’autre, leur utilisation permet de soulager les hôtes et hôtesses de caisse alors que l’extension des horaires est plus que jamais nécessaire devant l’impératif de lissage des achats dans le temps. De ce point de vue, l’utilisation de ces automates devraient se généraliser dans la phase de déconfinement, d’autant plus que de nombreux consommateurs l’ont déjà adoptés, près de 45% des paiements en hypermarchés sont réalisés via cette technologie d’achat selon les chiffres du groupe Casino datant des deux derniers mois de l’année 2019. Plus encore, la doctrine syndicale en la matière semble se fissurer, les positions dissonantes se multipliants. D’un côté, la FGTA-FO demande, à l’aune de la crise sanitaire, de prioriser l’utilisation des caisses automatiques, de l’autre la CFDT et la SNTA FO s’opposent à l’ouverture en mode autonome d’un magasin Leclerc de Montélimar. Des lignes de fracture qui témoignent de l’intérêt de cette technologie d’achat dans les périodes à venir.

L’enquête de France stratégie au sujet de l’évaluation des risques des métiers dans la période de Covid-19 nous invitent à évaluer les mesures mises en place par la grande distribution et à en imaginer de nouvelles pour la phase de déconfinement. De cette crise, nous pouvons, d’ores et déjà, retenir la résilience des enseignes de la grande distribution dans leur capacité à intégrer dans leur logiciel les nouvelles contraintes et à gérer l’incertitude. L’effort de réorganisation sera à maintenir dans la phase de déconfinement, et dévoilera de nouvelles façons de travailler et de consommer.

Keep Exploring
Retail : le hard-discounter russe Mere lorgne sur la France