Michel-Edouard Leclerc

Des masques à la passe d’armes avec Brune Poirson, Michel-Edouard Leclerc démineur de la grande distribution ?

DÉCRYPTAGE – Brune Poirson n’a guère goûté à la nouvelle “invention” en matière d’emballage alimentaire d’un magasin de l’enseigne Leclerc de Concarneau…et n’a pas manqué de le faire savoir sur Twitter à ses 90 000 abonnés. Une hérésie, selon la secrétaire d’État à la Transition écologie et solidaire qui a fait de la lutte contre les emballages plastique à usage unique l’un de ses chevaux de bataille. Cette prise de position musclée qui a suscité un (certain) buzz sur Twitter, a surtout permis de souligner, une nouvelle fois, la capacité de Michel-Edouard Leclerc à se muer en communicant de crise pour son enseigne…et bien souvent pour le secteur lui même. Ce dernier s’est ainsi fendu d’un tweet sur son compte personnel suivi par quelques 11 000 followers. Une réponse bien perçue de la part des autres utilisateurs et qui a permis de déminer une nouvelle polémique naissante.

Dire que celui qui dirige le groupement d’entrepreneurs rassemblés autour de la bannière E.Leclerc est un utilisateur régulier des réseaux sociaux, notamment pour déminer des polémiques ou controverses naissantes, est un euphémisme. Les lecteurs de son blog, “De Quoi Je Me Mel” ou DQJMM pour ceux que les acronymes ne rebutent pas, le constatent depuis plusieurs années maintenant. Sur les deux dernières années, Michel-Edouard Leclerc y a publié plus de 150 articles, une performance et une fréquence d’animation rares pour un dirigeant.

Évolution de l'engagement sur les articles de MEL depuis 2 ans

Une performance d’autant plus notable que les engagements, au sens de relais sur Twitter et Facebook suscités par les billets de blog de Michel-Edouard Leclerc sont relativement importants. Et les thématiques préemptées par MEL s’avèrent être plurielles, excédant souvent en cela les seules limites thématiques qui bornent et cadrent le seul secteur de la grande distribution. 

Et c’est, bien évidemment, sans compter, et nous aurons l’occasion d’y revenir, son activité sur les réseaux sociaux, que ce soit sur Twitter, Facebook et LinkedIn. Mais, après tout, en raison de la quasi absence de communication corporate social media de l’une des principales enseignes de la grande distribution en France, il fallait bien qu’une stratégie ad hoc vienne pallier ce vide, qui, au demeurant, ne manque pas d’étonner à l’heure de la communication tous azimuts des enseignes de la grande distribution.

Quand Michel-Edouard Leclerc monte au front

Ces dernières semaines, crise sanitaire oblige et focale mise de manière répétée sur la grande distribution, Michel-Edouard Leclerc a joué à plein son rôle quelque peu ductile et ubiquitaire de communicant en chef des enseignes du même nom et, quasiment, celui de primus inter pares des dirigeants de la grande distribution. Il faut dire que les polémiques, souvent infondées ou instrumentalisées, afférentes à la grande distribution n’ont pas manqué et avec en point d’orgue celle relative à la vente de masques dans le secteur. Celle-ci a essuyé de nombreuses critiques de la part des principales organisations représentatives du corps médical, de l’Ordre national des médecins, en passant par celui des pharmaciens ou encore des infirmiers. Ces différentes instances n’ont d’ailleurs pas manqué de crier au scandale dans un communiqué de presse, publié le 30 avril, intitulé “les masques tombent”. Évoquant un “dégoût” et dénonçant des “profiteurs” de guerre, les sept ordres professionnels de santé, signataires de cet appel, n’ont guère pesé leurs mots dans leur dénonciation de la supposée “surenchère de l’indécence” à laquelle la grande distribution se serait adonnée. Demandant à ce que des comptes soient rendus, les auteurs du communiqués se sont vus opposer une communication pour le moins proactive et tranchante de Michel-Edouard Leclerc.

10 000 commentaires, 22 000 likes et 25 000 partages sur sa publication du 2 mai sur Facebook concernant la polémique sur les masques. Des chiffres qui en disent long sur la force de frappe digitale de Michel-Edouard Leclerc, et son rôle qui dépasse, de fait, les frontières de sa seule enseigne. Une prise de position sur l’ensemble des réseaux sociaux et espaces numériques préemptés par Michel-Edouard Leclerc qui a permis, en grande partie, de couper court au discours naissant sur l’existence de stocks indûment cachés par la grande distribution, au plus fort de la crise, et utilisés fort opportunément à partir du 4 mai.

MEL, communicant de crise en chef de Leclerc ?

La capacité de MEL à activer des alliés et à fédérer autour de son discours de larges pans du secteur de la grande distribution s’illustre notamment dans le graphique ci-dessus qui analyse les engagements suscités par Michel-Edouard Leclerc sur ses tweets par tranche de 3 jours depuis le début de l’année. Au moment de la polémique sur les masques, qui a émaillé le début du mois de mai, le président du Comité Stratégique des centres E. Leclerc a réalisé ainsi près de 2 500 engagements en l’espace de 3 jours. 

Michel-Edouard Leclerc, premier porte-parole de la grande distribution ?

À l’aune de ces différents éléments, on peut se poser la question des différentes casquettes que MEL endosse sur les réseaux sociaux et le web, et qui, comme nous l’avons vu, ne recouvrent pas uniquement le seul périmètre des enseignes Leclerc. En prenant le cas du réseau social Twitter, et en choisissant un angle purement quantitatif, qui n’est donc pas exempt de biais, on constate que la suprématie de Michel-Edouard Leclerc n’est cependant pas aussi nette que nous pourrions le penser.

MEL est-il le dirigeant de la grande distribution le plus influent

Si Michel-Edouard Leclerc réalise, indubitablement, des engagements significatifs sur le réseau social à l’oiseau bleu, la concurrence est particulièrement rude et prononcée avec les deux autres dirigeants de la grande distribution ayant fait le choix d’ouvrir un compte sur cet espace (ce qui n’est pas le cas, pour rappel, des dirigeants du groupe Casino ou encore d’Intermarché, pour ne citer qu’eux). Dominique Schelcher exerce ainsi une influence importante, qu’on pourrait toutefois nuancer en soulignant la fréquence de tweets, au-delà de la moyenne, du PDG de Système U. Quant à Alexandre Bompard, a contrario, il a fait sienne une certaine stratégie de la rareté de la parole, a minima sur cet espace. Une rareté qui tranche toutefois avec l’impact suscité par ses déclarations et autres prises de position.

Dirigeants les plus influents par trimestre sur Twitter

D’une certaine manière, et comme le montre l’infographie ci-dessous, l’influence des dirigeants de la grande distribution constitue un indicateur qui comporte certaines limites. Si dans l’absolu Dominique Shelcher est celui qui suscite le plus d’engagements par trimestre, en pondérant cet indicateur avec le nombre effectif de tweets émis, force est de constater que la stratégie de communication d’Alexandre Bompard jouit du meilleur ratio. Quant à Michel-Edouard Leclerc on serait tenté d’en conclure qu’il dispose du ratio le plus pertinent, avec un juste milieu entre influence exercée et activité sur le réseau social.

Des prises de position cadrées et opportunes sur des thématiques, soit émergentes, soit saillantes, comme cela a été le cas début mai, ou dernièrement avec la polémique des oeufs écalés suscitée par Brune Poirson, et qui permettrait donc de faire mouche. Un exemple à suivre pour des dirigeants d’autres secteurs ?

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