Jean Bouteille

Entretien avec Gérard Bellet, fondateur de Jean Bouteille : « Nous voulons ancrer le réemploi dans le quotidien des citoyens »

Au moment où le gouvernement prépare son plan pour une relance verte, Jean Bouteille plaide pour le développement de l’économie circulaire et l’avènement d’une société zéro-déchet. Pour Gérard Bellet, le changement de notre manière de consommer passe notamment par la démocratisation du vrac, ainsi que par le retour de la consigne…

Contribuer à l’émergence d’une société zéro déchet : telle est la vision de Jean Bouteille. Gérard Bellet, fondateur de Jean Bouteille cherche une solution pour remédier à ce trop-plein de déchets pour les liquides et sauver des bouteilles innocentes de la poubelle ! L’idée est trouvée en 2014, avec la création de la marque Jean Bouteille.

Jean Bouteille associe le vrac au principe de la consigne. Pourquoi proposez-vous un tel dispositif à la grande distribution ?

Le vrac et la consigne réinventent notre manière de consommer des produits liquides en offrant une alternative au modèle à usage unique. Le consommateur adopte donc une bouteille réutilisable et la remplit avec le liquide de son choix. Ce dernier peut réutiliser sa bouteille autant de fois qu’il le souhaite avant de la déconsigner dans les points de vente qui le permettent. Concrètement, Jean Bouteille installe dans les points de vente une solution complète : fontaines de distribution en vrac, produits liquides alimentaires et/ou non alimentaires ainsi que les contenants.

Nous croyons que pour effectuer des changements dans la consommation des Français, il faut être présent partout et cela passe évidemment par les grandes et moyennes surfaces. Il faut démocratiser le vrac pour changer notre manière de consommer, et cela signifie être présent dans tous les canaux de distribution , y compris les épiceries vrac, magasins bio ou enseignes de proximité.

Notre objectif est de proposer le maximum de produits en vrac, pour en faire la nouvelle norme de consommation. Les consommateurs peuvent ainsi avoir systématiquement l’alternative aux pré-emballés, peu importe la typologie de magasin.

Quelles sont les zones géographiques dans lesquelles Jean Bouteille connait son plus fort développement ? Quels sont selon vous les ressorts de ce succès ?

Notre concept se développe fortement dans le nord-ouest, il y a un gros essor du bio grâce à la présence historique de Biocoop dans ce secteur ou encore les enseignes de la grande distribution comme Leclerc qui y sont très présentes. D’après l’analyse de Nielsen Spectra, « les hypermarchés, lorsqu’ils sont en frontal avec un spécialiste, génèrent 6 % de ventes de bio en plus que la moyenne du circuit . Notre système étant majoritairement présent dans les épiceries vrac et magasins bio, facilite également l’expansion de notre concept en grandes et moyennes surfaces dans le nord-ouest.

Lorsque l’on regarde les chiffres de l’agence bio (vrac et bio sont fortement liés), 65% des consommateurs consomment bio, dont 19% tous les jours en Bretagne (chiffre le plus fort de France). Ce qui explique cette forte demande dans le nord-ouest. Nous sommes très présents dans les grandes villes de France avec plus de 660 points de vente partenaires. Cependant, nous souhaitons couvrir le plus de villes possibles afin que chaque citoyen puisse réutiliser sa bouteille près de chez lui.

Concernant les ressorts de ce succès, ils sont dus au concept global que nous pouvons proposer ; nous ne sommes pas un simple équipementier pour les points de vente. Nous proposons également une dimension expertise et conseil que nous mettons à leur disposition. Nous guidons chaque point de vente vers la solution la plus adaptée à ses problématiques (les produits, la place en magasin, la visibilité, aide au respect des normes vrac…). Nous formons également les opérateurs en magasin, car ce sont eux les prescripteurs direct auprès du consommateur final.

Le succès ne peut pas être garanti sans un minimum d’implication de la part des magasins partenaires. Faire du vrac en grande surface nécessite du service, il faut entretenir et animer le rayon même s’il s’agit de self-service, mettre à disposition du consommateur tous les éléments nécessaires pour l’informer sur la bonne réutilisation de son contenant etc.

On remarque une véritable prise de conscience depuis quelques années :

– Les producteurs sont désormais prêts à revoir leur manière de distribuer pour proposer une offre vrac réclamée par les consommateurs.

– De plus en plus de marque nous contactent également pour qu’on puisse les accompagner dans le développement d’une offre vrac.

– Les Français sont de plus en plus sensibles à la question des déchets, chacun peut d’ailleurs agir à son échelle.

– Les lignes bougent grâce à de nombreux acteurs comme Zéro Waste France, réseau vrac, réseau consigne etc…

Comment évolue la perception de la problématique des emballages dans le secteur de la grande distribution ?

Il y a une prise de conscience générale sur le plastique à usage unique.

L’explosion des commerces de vrac et des rayons vrac ainsi que la loi anti-gaspillage pour l’économie circulaire, promulguée en janvier, vont encore accélérer cette tendance (surtout concernant la partie prévue en 2021 sur le dispositif vrac).

Les consommateurs, quant à eux n’hésitent plus à dénoncer le suremballage sur leurs réseaux sociaux, photos à l’appui. Les grandes enseignes essaient donc d’agir et de répondre à la demande des consommateurs quant à la réutilisation, la gestion des déchets, consommer localement, bio etc.

La vente en vrac a fait son entrée officielle dans la réglementation française avec la Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, parue au JORF n°0035 le 11 février 2020. Les dispositions relatives à la vente en vrac adoptées dans cette loi (articles 41, 43 et 45) inscrivent de nouveaux articles pour le vrac dans le Code de la consommation et dans le Code rural français. Une d’entre elle concerne d’ailleurs les surfaces de vente de plus de 400m2.

En outre, le nouvel article L. 112-9 du Code de la consommation impose que : « Les commerces de vente au détail disposant d’une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés s’assurent que des contenants réemployables ou réutilisables propres, se substituant aux emballages à usage unique, sont mis à la disposition du consommateur final, à titre gratuit ou onéreux, dans le cadre de la vente de produits présentés sans emballage ».

Notre offre de contenants réutilisables permet aux enseignes de répondre à cette loi en proposant aux consommateurs une alternative aux préemballés à usage unique.

Comment avez-vous maintenu vos services durant le confinement ?

Étant fournisseur auprès des magasins alimentaires, nous avons fait le maximum pour maintenir notre activité correctement et assurer les livraisons des liquides. Nous devions soutenir l’ensemble des commerces alimentaires, ils jouaient un rôle clé durant le confinement.

L’organisation de notre service négoce a dû être revue, les établissements et service d’aide par le travail (ESAT) locaux avec lesquels nous travaillons habituellement ont dû fermer. Nous avons donc opté pour la pose de bouchons mécaniques de nos bouteilles au sein de notre atelier.

Nous avons proposé durant le confinement une amélioration tarifaire de la consigne (rachat des bouteilles au prix de vente) à nos magasins partenaires afin de leur permettre de pré-remplir leurs bouteilles pour éviter la manipulation des contenants par les consommateurs.

Nous avons également lancé la campagne #sauvonslabière pour éviter le gaspillage de milliers de litres de bière et aider nos brasseurs et nos bars à passer ce cap difficile. Nous leur avons permis de faire de la vente à emporter en devenant embouteilleurs de leur bière pression à l’aide d’une mini-station d’embouteillage.

L’après confinement peut-il favoriser une sensibilité accrue au sujet du zéro déchet et des comportements écologiques à adopter, tant au niveau des entreprises qu’à celui des consommateurs ?

Nous pensons que l’après confinement va permettre de continuer à favoriser la sensibilité sur les sujets du jetable.

Durant le confinement, avec la polémique sur les masques jetables, on a pu observer un engouement très fort de la part des Français pour le « faire soi-même », conduisant à la fabrication de masques en tissu aux normes AFNOR. Ce mouvement du Do It Yourself, déjà très en vogue aux États-Unis, devrait prochainement être amené à se développer partout en France et en Europe.

Dans ce contexte de confinement, les Français ont également privilégié les magasins de proximité, à l’instar des Franprix où Jean Bouteille est déjà très présent. Et on remarque après à présent une envie de favoriser une meilleur alimentation, plus raisonnée. Aussi, nous n’avons jamais été autant contacté que maintenant par les marques dans le cadre de notre offre d’accompagnement vers des solutions vrac.

Nous pensons que le gouvernement doit continuer à soutenir les actions pour la réutilisation avant le recyclage pour ne pas perdre l’élan. Il faut ancrer le réemploi dans le quotidien des citoyens. Enfin, faut surtout éviter le « bashing » du vrac sur l’hygiène. En effet, un produit ayant pour emballage un plastique à usage unique est souvent manipulé beaucoup plus de fois qu’un silo ou une fontaine de vrac !

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