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La vente en vrac : un secteur en développement et confronté à la crise sanitaire

Malgré le développement et la volonté de structuration de la filière du vrac, la crise sanitaire questionne la pérennité de ce mode d’achat. D’autant plus que le principe du “zéro déchet” se heurte aux nouveaux impératifs du Covid-19. Tour d’horizon d’un secteur qui amorce un tournant sous l’effet des nouvelles appréhensions sanitaires des clients.

L’association Réseau Vrac, véritable appui pour la structuration et le développement de la filière

Alors que les consommateurs adoptent de plus en plus une démarche de consommation responsable, certains, soucieux de consommer tout en respectant l’objectif de zéro déchet, se sont tournés vers l’achat en vrac. En 2019, ils sont près d’un français sur deux a avoir acheté au moins une fois un produit en vrac. Fort de cet engouement, surtout des jeunes générations, les enseignes de la grande distribution ont créé des rayons dédiés au vrac, et de nombreux commerces de détail ont vu le jour. Ces derniers se sont structurés autour de l’association Réseau Vrac, créée en 2016, qui a pour objectif de rassembler l’ensemble des professionnels du vrac, qu’ils soient franchisés, indépendants ou fournisseurs. Un appui important alors que le secteur est naissant, et que, hormis les épiceries spécialisées, l’activité reste marginale pour les GMS et les magasins spécialisés bio.

D’après une récente infographie de Réseau Vrac, la France compte près de 400 magasins spécialisés. À cela il faut ajouter que 88% des magasins bio et 70% des GMS sont équipés d’un rayon vrac. Du côté du chiffre d’affaires, en 2019, le secteur peut se targuer de représenter 1,2 milliard d’euros, soit une croissance de 41% sur un an selon la revue Challenges. À cette occasion, Celia Rennesson, directrice générale de Réseau Vrac tablait sur une croissance multipliée par trois d’ici 2022, tirée par le développement du vrac non alimentaire et l’élargissement du réseau de magasins. Les marges de progression sont encore importantes pour un secteur dont la part de marché n’est que de 0,75%. Parmi les acteurs du secteur, le réseau Day by Day, qui compte 59 magasins, porte, à lui seul, la part de marché (5%) que représente les boutiques spécialisées. Les magasins bio représentent, pour leur part, 45% du marché, quand les supermarchés en représentent 50%. Day by Day, créée en 2013 est la seule enseigne à proposer une offre 100% vrac. Fort d’une croissance importante, avec 13 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, elle peut s’appuyer sur un réseau de 62 magasins sur les territoires belge et français. Très récemment, la création de l’enseigne Grand Marché Vrac, à proximité de Rennes, peut témoigner de la vitalité du réseau d’épicerie et de sa volonté d’élargir sa cible de clients.

La croissance de la vente en vrac portée par les investissements de la grande distribution et des avancées législatives en la matière

Mais l’offre de produits en vrac n’est pas seulement de l’apanage de magasins spécialisés. Les enseignes de la grande distribution, ont, depuis quelques années, orienté une partie de leurs investissements vers le développement d’une offre en vrac capable de répondre aux nouvelles exigences du consommateur.

Si l’investissement semble être le nerf de la guerre pour créer des espaces dédiés au vrac et assurer des normes d’hygiène strictes, les enseignes ont eu tendance à miser sur l’innovation afin de proposer une expérience d’achat fluide et facile. Pour Mathieu Riché, directeur RSE du groupe Casino, “ce qui est nécessaire, c’est l’émergence de nouveaux acteurs qui proposent des concepts de vrac avec une expérience fluide et compréhensible ». Selon lui, cette nouvelle expérience d’achat ne doit pas créer “des contraintes de temps”, qui pourraient venir freiner de nombreux consommateurs dans leur intention d’adopter ce nouveau mode de consommation. 

Pour répondre à ce besoin d’innovation, la grande distribution peut s’appuyer sur de jeunes startups françaises. Dans l’écosystème de la vente en vrac, la startup “Jean Bouteille” propose aux magasins des équipements de vrac liquide, dont des tireuses de shampoing, savon ou encore lessive. Une manière aussi de diversifier la gamme de produits et de s’orienter vers le vrac non alimentaire, dont les perspectives de croissance sont plus que flatteuses. Dernier lancement en date, celui de la boutique The Naked Shop, spécialisée dans la vente de produits cosmétiques et d’entretien en vrac. 

Les prévisions de croissance du secteur sont aussi à mettre au crédit des avancées législatives en la matière. Adoptée en Janvier 2019, la loi sur la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’économie circulaire a ajouté dans le code de la consommation une définition légale de la vente en vrac. Elle autorise aussi la libre commercialisation des produits, ce qui va permettre de proposer des aliments bénéficiants de labels tels que l’AOP. De leur côté, les commerçants devront par exemple obligatoirement accepter les contenants apportés par les clients, et ce, dès 2021. Preuve que le vrac est aussi une question que les autorités publiques prennent à bras-le-corps.

La filière de la vente en vrac doit rassurer les consommateurs dans un contexte de crise sanitaire

Mais le développement du vrac, enclenché depuis plusieurs années, pourrait être bridé par la crise du Covid-19. Les mesures sanitaires qui s’appliquent, les craintes des français concernant le risque épidémiologique, sont autant d’éléments qui peuvent détourner les clients de ce mode de consommation. Le secteur est bel est bien confronté à un défi, qui repose davantage sur un enjeu de confiance. En effet, il faut rassurer les consommateurs et créer un climat d’achat qui soit respectueux des règles sanitaires.

En ce sens, Réseau Vrac a publié sur son site – et sous la forme d’un guide de bonnes pratiques – un ensemble de préconisations quant aux règles d’hygiène à respecter dans les magasins de la vente en vrac. Une initiative à la hauteur des craintes du secteur dans un contexte sanitaire inédit, qui est venu fragiliser un mouvement de fond qui est celui du zéro déchet. Dans un contexte épidémiologique, les emballages plastiques ont la cote auprès des consommateurs. Les bonnes résolutions de certains passent au second plan et le critère sanitaire dicte les critères d’achat. En réaction, Réseau Vrac, a mis en place un baromètre de référence afin de mesurer le comportement de la filière pendant la crise sanitaire. Dans ce cadre, il apparaît que de nombreux magasins ont modifié les espaces de vente afin de faciliter le respect des gestes barrières.

Si les acteurs du secteur s’attellent à rassurer les consommateurs, le gouvernement a lui aussi souhaité apaiser les craintes apparues à l’aune de la crise sanitaire. Interrogée par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, Brune Poirson, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, a ainsi indiqué : “j’aurais tendance à penser que ce mode de consommation [le vrac] est peut-être plus protecteur pour le consommateur”. Ajoutant que “le vrac n’est pas plus dangereux en période de crise qu’en période normale”. Une manière de rassurer les français et de soutenir une filière française, qui est la plus structurée au monde.

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