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L’analyse de l’Autorité de la concurrence sur les transformations de la distribution

Dans son tout dernier événement axé sur les transformations de la distribution, l’Autorité de la concurrence s’est interrogée sur la transformation du commerce sous l’influence de la vente en ligne. Une conférence en ligne pour tirer les enseignements de la crise sanitaire et réfléchir sur les transformations qui en découlent.

Pour en parler, trois figures du retail ont été conviés : Enrique Martinez, directeur général du groupe Fnac-Darty, Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), et Yves Puget responsable de la rédaction de LSA. Ils ont ainsi pu livrer leur analyse sur les mutations à venir et les actions à mettre en place dans le secteur du retail.

Résilience du commerce alimentaire, croissance du e-commerce, télétravail : le bilan de la crise sanitaire

Tout d’abord, l’Autorité de la concurrence a profité de ce webinar pour dresser le bilan de deux mois de confinement, particulièrement éprouvant pour le secteur du retail. Et par là, de s’interroger sur les évolutions de la consommation.

À bien des égards, le secteur du commerce alimentaire a été bouleversé dans son organisation, et ses mutations ont été accélérées. Pleinement engagé dans sa mission essentielle à la nation, le secteur a su démontrer sa résilience et son adaptabilité. Quand bien même des difficultés ont pu se faire sentir, pour tenir la cadence des livraisons notamment, le secteur s’en est remarquablement bien sorti. De toute évidence, le e-commerce alimentaire sort renforcé de cette crise sanitaire. Ses parts de marché sont passées de 6 à 10%. Une croissance des ventes tirée par le format Drive et la livraison. Outre les enseignes, les producteurs ont montré leur capacité à développer des circuits courts qui répondaient aux attentes des Français.

Pour le non-alimentaire, les Pure Player dont les GAFA, qui commercialisent uniquement des produits en ligne, sont les grands gagnants de la séquence de confinement. En revanche les commerces non alimentaires ont subi de plein fouet les restrictions relatives aux mesures de confinement.

Autre point saillant de la crise sanitaire, le recours au télétravail pour de nombreuses entreprises a fait émerger de nouveaux besoins de la part des consommateurs, et une nouvelle répartition géographique de ceux-ci. Entre les besoins en matériel de bureautique, et ceux en matériel électronique, le e-commerce est apparu comme un maillon essentiel pour approvisionner les Français confinés. Des besoins qui devraient se pérenniser alors que le télétravail reste une solution privilégiée dans certaines entreprises et que bon nombre de salariés et chefs d’entreprise souhaitent prolonger l’expérience. Afin de mesurer l’adhésion des salariés pour ce mode de travail, l’enseigne Fnac a réalisé une enquête auprès des salariés travaillant au siège. Résultat, selon Enrique Martinez, les salariés interrogés souhaitent rester entre 2 et 3 jours par semaine en télétravail.

L’omnicanalité comme stratégie à adopter pour faire face à la concurrence du e-commerce

Si certains s’inquiètent d’une progressive substitution du commerce physique au profit des ventes en lignes, les chiffres invitent à la nuance. En effet, le chiffre d’affaires global de la vente en ligne représente seulement 10% du chiffre d’affaires du commerce de détail en 2019. Néanmoins la croissance du chiffre d’affaires de la vente en ligne a bien été de 14% par an entre 2014 et 2018. Une tendance qui pourrait venir bouleverser les rapports de force. Aujourd’hui, trois acteurs se partagent les parts de marché du commerce de détail : les Pure Players qui ne proposent que de la vente en ligne, les enseignes qui n’ont que des magasins physiques, et les vendeurs « click and mortar  » comme la Fnac qui proposent une expérience d’achat couplée.

Pour Enrique Martinez, cette dernière catégorie est confrontée à plusieurs défis. Première tendance, plus de 90% des clients préparent en amont leurs achats via internet. Sans avoir les moyens financiers des Pure Players, l’enjeu pour le groupe Fnac-Darty est de trouver un modèle alternatif, de complémentarité entre physique et digital, avec un service différent de celui des Pure Players. En ce sens, un modèle omnicanal permet de combiner continuité de service et viabilité économique.

Pour faire face à la concurrence du e-commerce, les magasins physiques doivent se réinventer. Enrique Martinez préconise d’enrichir le processus de vente via l’intégration des nouvelles technologies. Des réflexions qui invitent par exemple à revoir le passage en caisse. Plus encore, l’espace de vente pourrait être réduit, l’expérience client retravaillée et les outils digitaux pleinement intégrés à celle-ci. Pour sa part et dans la même logique, Jacques Creyssel pense qu’il est nécessaire “d’avoir une bonne combinaison dans un système omnicanal, entre des magasins qui sont essentiels pour l’avenir des villes notamment, et un secteur online qui répond de plus en plus aux besoins des consommateurs”. De son côté, Yves Puget, responsable de la rédaction chez LSA propose d’assouplir les règles quant à l’ouverture le dimanche ou en soirée afin de donner aux commerces physiques les moyens de concurrencer la vente en ligne.

Quelle politique fiscale pour en finir avec la concurrence déloyale entre Pure Player et enseignes traditionnelles ?

Un consensus semble s’être dégagé au sujet des règles de concurrence entre les enseignes physiques et les Pure Players. Les trois invités ont appelé le gouvernement à créer les conditions d’une juste concurrence entre les acteurs du retail.

Ils partent du constat que les acteurs transnationaux que sont les Pure Players optimisent les lois et la fiscalité en matière de réglementation commerciale et des données. Comme cela est le cas pour la RGPD. Autrement dit, alors que les plateformes de e-commerce profitent de cette transnationalité, les enseignes physiques sont soumises à des réglementations nationales. Une situation qui est d’autant plus mise en exergue dans le contexte de la crise sanitaire et de la concurrence renforcée du e-commerce. Un point particulièrement souligné par Jacques Creyssel, qui se fait le défenseur d’une uniformisation des règles au niveau européen. Un sentiment partagé par le patron de Fnac-Darty qui déplore que l’espace numérique européen ne soit pas assez uniformisé.

Plus encore, Jacques Creyssel soutient une baisse de la fiscalité pour les commerces physiques. Une demande exigée par la situation actuelle, qui peut conduire, comme c’est le cas pour le secteur de l’habillement, à des faillites en cascade. Il propose aussi un plan de relance à destination des commerces pour leur permettre de transiter progressivement vers un modèle omnicanal. Une mesure juste alors que les Pure Players bénéficient d’un effet de taille proportionnel à leur capitalisation en bourse, et que de fait, leur capacités d’actions sont supérieures.

De ce rendez vous organisé par l’Autorité de la concurrence, il apparaît clairement que les acteurs du retail partagent les mêmes constats et inquiétudes quant à la crise sanitaire, et qu’ils sont conjointement convaincus que le modèle omnicanal est la voie à suivre. La pérennité du commerce physique dépendra aussi d’une uniformisation européenne des règles de concurrence pour faire face aux Pure-Players.

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