rayons leader price guyantcourt

Après son rachat par Aldi, l’avenir du réseau Leader Price questionne des experts du retail

Rayons peu achalandés, magasins dépeuplés et sentiment général de déréliction. La description faite la semaine dernière, dans un court billet de blog par Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution, d’un magasin de l’enseigne Leader Price n’a pas manqué de faire réagir. Il faut dire qu’une très grande majorité de magasins appartenant au groupe Casino, a été vendue en mars dernier à l’allemand Aldi, ce qui ne manque pas de concentrer depuis plusieurs mois maintenant toutes les attentions de la part des experts du retail. S’agissait-il d’un cas isolé propre au magasin visité par Olivier Dauvers ou bien, au contraire, d’un phénomène généralisé, Actu Retail a mené l’enquête. Décryptage.

Les performances de Leader Price, en termes de parts de marché, sont en berne depuis maintenant plusieurs mois, et ce ne sont pas les dernières livraisons du baromètre Kantar qui démentiront cette dynamique inflexible. Les ressorts de cette tendance sont multiples, et l’inflexion stratégique impulsée par le groupe Casino, qui avait anticipé la dynamique baissière de ce format, en donnant davantage la primauté au commerce de proximité, au digital, au e-commerce et aux innovations technologiques, n’était pas de nature à forcément assurer une pérennité du format discount dans l’offre du distributeur stéphanois. D’un autre côté, la vente du réseau à Aldi en mars dernier, et non pas de la marque distributeur qui va, quant à elle, rester dans le giron du groupe Casino et faire vraisemblablement office de marque discount pour des enseignes comme Géant Casino, Casino Supermarchés, voire même Franprix, comme cela est déjà le cas, ne va pas sans questionner sur les ressorts de la transition qui s’ouvre entre Casino et le discounter allemand. De là à dire, comme le fait observer Olivier Dauvers dans son billet en date du 27 août intitulé “L’inexorable chute de Leader Price (sous-titré : sans produits pas facile de commercer !)”, que le groupe Casino aurait abandonné à son destin Leader Price, ses collaborateurs et ses clients ?

À Guyancourt, une clientèle jeune et des rayons bien achalandés

Pour répondre à cette interrogation, nous nous sommes rendus avec un photographe dans différents magasins Leader Price afin de pouvoir juger nous-mêmes de la situation dans les magasins. Pour des raisons de facilité de transport, nous nous sommes rendus dans un Leader Price situé à Paris, celui de Pinel dans le 13e arrondissement, celui de Montrouge en petite couronne, et nous avons enfin visité un Leader Price de grande couronne, en nous rendant à Guyancourt dans les Yvelines.

google maps leader price guyancourt

Un triptyque qui a l’insigne mérite de présenter des caractéristiques territoriales, démographiques, sociologiques et économiques distinctes, bien que ses particularités soient, évidemment, quelques peu gommées par la dimension francilienne des magasins en question. En somme, rien qui puisse nous permette à travers ces trois cas particuliers de tirer de quelconques conclusions, sûrement trop hâtives, sur l’état de l’enseigne Leader Price, mais a minima une série d’indicateurs qui concourent, mis bout à bout, à dessiner une monographie de l’enseigne.

Le rayon fruits et légumes du Leader Price de Guyancourt
Le rayon fruits et légumes du Leader Price de Guyancourt

En nous rendant dans les Yvelines, à Guyancourt, les caractéristiques de la clientèle présentes sur le site n’ont pas manqué de nous étonner, bien que nous soyons déjà au fait que, contrairement aux idées reçues, le type idéal du client Leader Price est beaucoup plus jeune et urbain que d’aucuns le pensent souvent. Ce profil s’est donc tout naturellement retrouvé à Guyancourt, avec une surreprésentation à l’heure de notre visite en milieu de journée, de jeunes cadres et d’étudiants. Concernant ces derniers, il faut souligner que Guyancourt accueille un site de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), situé à quelques centaines de mètres du Leader Price. Une clientèle étudiante qui, sans tomber directement dans les clichés, accorde forcément une importance accrue au prix. Ce qui d’ailleurs n’a visiblement pas échappé à un concurrent direct de Leader Price, le hard-discounter néerlandais, Action qui dispose d’une enseigne quasiment attenante au site de l’UVSQ, faisant du campus un véritable théâtre de la guerre des prix. Mis à part le profil étudiant, celui des travailleurs, notamment dans le domaine du BTP, qui s’arrêtent pour la pause du déjeuner apparaît comme la deuxième composante saillante en termes de clientèle représentée à l’occasion de notre visite.

Des rayons bien achalandés et une clientèle jeune à Guyancourt
Des rayons bien achalandés et une clientèle jeune à Guyancourt

À Pinel dans le 13e arrondissement, une réalité plus ambigüe entre visibilité accrue de la dimension discount et clientèle urbaine

L’insertion parisienne du Leader Price de la rue Pinel dans le 13e arrondissement, située à proximité de la station Nationale sur la ligne 6, n’en fait pas forcément un Leader Price vitrine, à destination des journalistes ou des JRI en mal d’images sur l’enseigne. Contrairement à l’enseigne de Guyancourt, les rayons apparaissent plus clairsemés et dans certains endroits, comme nous pouvons le voir dans la photo ci-dessous, la dimension discount se fait davantage ressentir.

Des traces au sol, faites par les chariots, qui dénotent quelque peu par rapport à des rayons globalement bien pourvus
Des traces au sol, faites par les chariots, qui dénotent quelque peu par rapport à des rayons globalement bien pourvus

Néanmoins la vérité du rayon des PFLS n’est pas forcément celle du rayon fruits et légumes. La présentation des produits en vrac, avec une esthétique boisée, ne manquant pas d’évoquer, quoi que de manière très lointaine, les marchés de province, tranche nettement avec l’imaginaire associé a priori à un hard-discounter. Là encore, la clientèle présente en magasin ne correspond guère aux images toutes faites qui se bousculent dans les esprits, et s’y côtoient en réalité pêle-mêle des étudiants, des cadres urbains ou encore des retraités venus faire, non pas des courses gargantuesques, avec des caddies chargés à ras bord, mais davantage des achats pour la pause du midi ou encore des emplettes d’appoints.

Un rayon fruits et légumes avec une esthétique boisée
Un rayon fruits et légumes avec une esthétique boisée

Montrouge, rime avec vrac et lutte contre le gaspillage alimentaire

Dernière étape de notre “road-trip” dans le discount façon Leader Price, Montrouge dans les Hauts-de-Seine. Que ce soit au niveau de la devanture du magasin, moderne et affichant, sans en faire trop, le slogan de l’enseigne “tout le plaisir est pour vous !”, sans que le critère prix ne clignote de façon trop prosaïque, ou dans l’agencement des rayons, ce Leader Price, situé en plein centre-ville, ressemble davantage aux caractéristiques de la proxi, qu’aux images d’Épinal du hard-discount, façon Lidl ou Action. Et ce n’est pas l’offre en vrac, particulièrement bien fournie, et qui n’est pas sans rappeler ce que l’on peut habituellement trouver dans certains Franprix, qui nous fera mentir. Noisettes, noix du brésil, bananes chips, graines de chia ou encore riz long, l’offre vrac est variée. De quoi satisfaire une clientèle qui, et ce malgré le Covid-19 et ses conséquences sur le secteur, renoue progressivement avec ces achats bien plus respectueux de l’environnement.

Le vrac, point fort du Leader Price de Montrouge
Le vrac, point fort du Leader Price de Montrouge

Le Leader Price de Montrouge se veut également à la pointe de la lutte contre le gaspillage alimentaire, en affichant dans ses rayons différentes promotions de fin de journée, allant jusqu’à -50%, sur l’ensemble de l’offre de viennoiseries. Une manière subtile, d’une certaine manière, d’enrober la dimension prix bas, avec des préoccupations écologiques et sociales.

Un rayon fruits et légumes au même niveau que celui de Pinel, même si la dimension discount se fait davantage ressentir
Un rayon fruits et légumes au même niveau que celui de Pinel, même si la dimension discount se fait davantage ressentir

Un constat similaire peut d’ailleurs être fait au niveau du rayon fruits et légumes, particulièrement bien achalandé, même si l’esthétique et le trop-plein de l’offre concourent, contrairement à nos observations au Leader Price de Pinel, à faire davantage ressortir la dimension discount. La disposition des cagettes et des plastiques biodégradables pour emballer les fruits et légumes joue pour beaucoup dans cette impression partagée qui en découle.

Du particulier à l’universel, il n’y a donc pas qu’un pas

Ces trois visites, réalisées en fin de semaine dernière, ne permettent évidemment pas de tirer des conclusions globales sur ce qu’est Leader Price aujourd’hui. Il s’agit au contraire d’une série d’échantillons, dont on ne saurait exiger une quelconque forme de représentativité, du fait de leur dimension francilienne, qui permet malgré tout d’entre apercevoir ce qu’est la réalité dans les enseignes Leader Price. Une réalité qui tranche avec l’imaginaire associé généralement à l’enseigne, comme en témoignent les différentes photographies que nous avons pu réaliser, notamment sur le site de Guyancourt, que ce soit sur le profil des clients rencontrés dans les magasins visités ou les caractéristiques des rayons. Si certains rayons affichent des trous, cela relève davantage de l’anecdotique et du contingent, puisque et nous avons pu le constater le réassort est fait de manière régulière dans les magasins, et tout particulièrement en heures de pointe avec des équipes renforcées pour faire face à l’afflux des clients allant dans un Leader Price pour préparer leur déjeuner du midi. La présence de rayons vrac étoffés, comme à Montrouge, ou de rayons fruits et légumes avec une esthétique boisée et une disposition en vrac, optimale comme à Pinel ou plus erratique à Montrouge, témoignent également que le discount aujourd’hui n’a rien à voir avec ce qu’il était encore il y a seulement quelques années. Installés en milieu urbain, les trois Leader Price visités ressemblent davantage à des Carrefour City, avec la focale omniprésente sur le prix en plus, qu’à des enseignes de hard-discount ou de cash & carry. Quant à la dynamique baissière sanctionnée par Kantar, période après période, elle s’explique, en partie, par les conséquences liées à la décision prise par le groupe Casino de se séparer de son réseau de Leader Price. Une décision, pour rappel, dictée d’une part par la volonté du groupe stéphanois d’alléger sa dette en cédant certains de ses actifs non stratégiques, et de l’autre qui résulte de la vision défendue par Jean-Charles Naouri, le PDG du distributeur stéphanois, depuis plusieurs années maintenant, de préempter fortement la proxi, le périmètre urbain et d’investir sur le digital, la technologie et plus généralement la R&D.

Cédé en mars à Aldi, le réseau Leader Price est donc aujourd’hui dans une sorte d’entre-deux, et il faudra attendre la reprise en main effective par Aldi des sites composant le réseau, avec en point d’orgue le rebranding des sites, ainsi que la stratégie prévue par Casino pour sa MDD Leader Price, pour que les clarifications nécessaires puissent s’opérer.

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