Alexandre Bompard sur RTL le 8/12/2020

Discrimination positive : Carrefour veut recruter 15.000 jeunes issus des quartiers défavorisés en 2021

Le PDG du groupe Carrefour Alexandre Bompard était ce matin l’invité d’Alba Ventura au micro de RTL. Entre autres annonces, celle du recrutement de 15.000 jeunes, dont 50% issus des quartiers défavorisés devrait beaucoup faire parler d’elle, un an seulement après l’annonce d’un plan social ciblant 3.000 collaborateurs et alors même que le leader de la distribution et premier employeur privé de France concernant est critiqué pour son recours massif au chômage partiel pendant le confinement.

L’interview d’Alexandre Bompard ce matin sur RTL était très attendue par les observateurs de la grande distribution et par ses propres syndicats en interne. Après un mois de novembre dans la tourmente, qui a vu 81% des salariés français de Carrefour au chômage partiel, le dirigeant du groupe a cherché à rassurer tant sur le fond que sur la forme, en faisant état des engagements économiques et sociaux de l’entreprise pour les mois à venir.

Et c’est d’abord sur l’emploi qu’Alexandre Bompard a voulu prendre des mesures. Le distributeur annonce en 2021 vouloir embaucher 15.000 jeunes, en CDI ou en alternance, dont 50% issus spécifiquement des quartiers défavorisés. Une annonce d’autant plus forte que les jeunes, et à plus forte raison ceux issus des quartiers défavorisés, apparaissent comme les premières et principales victimes de la crise sanitaire qui, dès le printemps, s’est doublée d’une crise économique. Selon l’INSEE, le taux de chômage des jeunes s’élève ainsi à 21,8% dans le contexte de l’après-Covid. 

De quoi faire écho aux déclarations d’Emmanuel Macron du 14 octobre dernier, constatant qu’il est, en effet, “dur d’avoir 20 ans en 2020”. Dans ce contexte, et pour adresser les problématiques posées par la crise sanitaire à la “Génération Covid”, comme l’a qualifiée ce matin Alexandre Bompard, le groupe Carrefour a décidé de prendre ses responsabilités. “On ne peut pas rester les bras croisés, on est le premier employeur privé de France, et ce que j’ai décidé, c’est de tendre la main à cette jeunesse”. Joignant les propositions, concrètes, à son discours, Alexandre Bompard souligne que les embauches prévues pour 2021 auprès de ces segments de la population, sont en hausse de 50% par rapport aux niveaux habituels de recrutement de son groupe. Outre les embauches en CDI et/ou alternance, le groupe d’Alexandre Bompard entend également offrir pas moins de 3.000 stages à des collégiens, dès la 3e, là encore issus des quartiers populaires. Dernière annonce faite par le PDG du groupe Carrefour, et non des moindres, le financement à hauteur de 500 euros du permis de conduire pour les alternants et apprentis.

Une mesure forte pour clore la polémique du chômage partiel en interne

L’annonce est d’autant plus symbolique qu’elle intervient après la mise au chômage partiel de 90.000 salariés du groupe après l’entrée en vigueur du deuxième confinement, à la fin octobre.

Ce recours massif au chômage partiel avait, on s’en souvient, suscité la stupeur dans l’opinion, et la colère de la part des syndicats du groupe. Dans des propos rapportés par France Info, en date du 14 novembre, Dominique Moualek, délégué Force Ouvrière du groupe Carrefour, a notamment dénoncé “un chômage partiel qui est non-adapté”, allant même jusqu’à faire état de la volonté de son syndicat de “dénoncer une fraude au chômage partiel”

Si la fermeture des rayons considérés comme non essentiels de la part du gouvernement a constitué le principal facteur à l’origine de cette décision, les syndicats du groupe n’ont pas manqué de faire état de leur scepticisme du fait de l’ampleur numérique du dispositif ainsi mis en place. “On ne comprend pas pourquoi Carrefour arrive à faire une activité partielle qui concerne 90 000 salariés dans le groupe”, notait Philippe Allard, délégué CGT Carrefour, alors que “seuls les rayons non alimentaires, non essentiels, sont concernés par la fermeture des rayons”. Même son de cloche, avec des propos toutefois plus mesurés de la part de la CFDT qui, tout en soulignant le nécessaire distinguo entre l’activité alimentaire et les activités ressortant du non essentiel estime, par la voix d’Olivier Guivarch, qu’il est “prématuré de faire appel à l’argent public pour baisser le coût du travail”.

Décoller le “sparadrap du CICE”

La mesure est d’autant plus symbolique que le groupe Carrefour est régulièrement critiqué sur le volet de l’emploi, et ce depuis plusieurs années. Des critiques d’autant plus nourries, que Carrefour, avec un peu plus de 115 000 salariés dans l’hexagone, et plus du double à l’international, fait figure de cible idéale du fait de sa masse globale. Si son statut de premier employeur privé, l’expose davantage, que les autres acteurs de la distribution alimentaire française, à ce genre de critiques, les décisions prises par le groupe en 2020 n’ont guère été de nature à dissiper certaines de ces ambiguïtés.

Avant la crise du Covid, la polémique autour des 755 millions d’euros perçus par l’enseigne dans le cadre du CICE, et le nombre d’emplois créés (un peu moins de 300), avait longtemps empoisonné les relations du groupe Carrefour avec certaines franges de l’opinion. Il est peu de dire que les déclarations d’Alexandre Bompard sur l’emploi étaient donc tout particulièrement attendues. Pour essayer de faire un trait sur 2020, voire, peut-être, solder enfin l’épisode du CICE, véritable sparadrap du capitaine Haddock, et pour le groupe et pour son président.

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