Supermarché Casino

Patrice Mounier (Groupe Casino) : « Les négociations commerciales avancent de façon constructive »

Le 1er mars prochain marquera la fin des négociations commerciales, rituel annuel rassemblant producteurs, industriels et distributeurs pour déterminer la rémunération de tous les maillons de la chaîne alimentaire. Dans un contexte de crise sanitaire et de baisse de pouvoir d’achat des Français, le directeur des achats alimentaires du groupe Casino, Patrice Mounier, fait un point d’étape sur les discussions en cours.

Nous abordons bientôt la dernière semaine avant la date butoir des négociations commerciales. Où en êtes-vous ? L’essentiel de vos contrats sont-ils déjà signés ou faut-il s’attendre à un « rush » final ?

Patrice Mounier : Il y a deux aspects. Au niveau des TPE/PME/ETI, nous avons souhaité aller plus vite dans les négociations. Sur ce périmètre, nous en sommes à 80 % d’accords signés et finalisés. Les autres négociations, conduites auprès des grands industriels, nous situent aux alentours de 50 % de contrats conclus. Les discussions avancent bien et sont légèrement en avance par rapport à la même période de l’an passé.

Ces négociations peuvent être le théâtre d’intérêts parfois divergents entre les différentes parties prenantes. Comment se passent vos relations, en tant qu’acheteur, avec vos différents interlocuteurs ?

Patrice Mounier : Cela dépend des catégories de produits. Chacune d’entre elles peut avoir ses problématiques spécifiques de production. Au sujet des produits laitiers, le groupe Casino a finalisé les négociations sur tout ce qui relève du lait de consommation. Ces négociations revalorisent le prix du lait pour les producteurs et pour la troisième année consécutive. Cela correspond à une revalorisation, sur ces trois dernières années, comprise entre 30 et 40 euros du prix payé producteur pour mille litres. Ces décisions sont en cohérence avec les engagements pris par le groupe dans le cadre des États généraux de l’alimentation (EGA), à savoir accompagner la hausse du prix payé producteur quand les industriels le demandent dans leurs conditions générales de vente.

Sur les autres produits laitiers, les négociations se poursuivent. Et elles avancent bien, de façon constructive. Nous avons trouvé beaucoup d’accords sur ces catégories-là. Ce sont également des accords intégrant des notions de revalorisation du prix sur le fromage, sur les yaourts, sur les desserts lactés, etc. Nous sommes en discussion avec un grand nombre d’industriels et les échanges progressent de façon très positive s’agissant des produits laitiers.

Il y a d’autres catégories agricoles pour lesquelles nous avons pris un certain nombre d’engagements à l’occasion des EGA. Sur les conserves de légumes, nous avons déjà de nombreux contrats signés que ce soit en marques distributeurs ou en marques nationales. Plusieurs de ces contrats sont pluriannuels, d’une durée de deux ans. Nous n’avons pas encore signé avec tous les intervenants, mais des accords ont déjà pu être trouvés.

Parmi les catégories sensibles, se trouve également la question des œufs. Nous avons là aussi des accords de revalorisation avec des industriels. En parallèle, nous développons d’autres démarches. Par exemple, sur la marque distributeur, nous créons pour 2021 une filière sur les œufs bio enrichis en oméga-3 : nous avons un contrat de cinq ans avec un industriel, assurant un niveau de rémunération garantie aux éleveurs et des clauses de revoyure sur l’évolution des prix. Les produits fruitiers enfin, à base de pommes, représentent un autre secteur où l’on négocie des prix en inflation.

Serge Papin, mandaté par le gouvernement afin de faciliter les négociations commerciales, a appelé de ses vœux « une forme de solidarité, de réconciliation ». S’agit-il pour vous d’une douce utopie ou d’une réalité vers laquelle nous tendons effectivement ?

Patrice Mounier : Selon nous, ces négociations sont constructives et s’inscrivent dans le respect de la loi et des engagements issus des EGA. Dans les catégories que j’ai pu citer, nous prenons en compte les indicateurs qui nous sont communiqués par les industriels. Lorsque ces indicateurs montrent que le cours des matières premières ou le prix payé producteur évoluent positivement, nous intégrons bien sûr ces éléments dans nos négociations.

La crise de la Covid-19 affecte le moral et le pouvoir d’achat des Français. Quel impact le contexte sanitaire a-t-il sur les négociations en cours ?

Patrice Mounier : L’impact de la crise sanitaire se traduit, en premier lieu, par un fonctionnement et un mode de négociation différents. Nous avons beaucoup d’échanges en visioconférence, par téléphone et moins de rendez-vous physiques. Dans notre façon de fonctionner, cela change les pratiques par rapport aux autres années. Cela se ressent puisque l’ensemble des intervenants, que ce soit les industriels ou les distributeurs, essayent d’avancer plus vite et de trouver des solutions plus rapidement. La crise sanitaire nous oblige, sur un plan technique, à conduire et à clôturer les discussions de façon différente.

Sur le sujet des prix, nous constatons effectivement une baisse globale des prix de vente conseillés des marques nationales sur le marché des produits de grande consommation (PGC). Dans nos négociations, nous tentons pour notre part d’avoir une vision différenciée selon les catégories de produits. Il y a des catégories comportant des matières premières agricoles dont le coût a augmenté, et pour lesquelles nous intégrons cette hausse du prix de revient (produits laitiers, œufs, pâtes, sucre, etc.). Après, il y a d’autres secteurs d’activité où cet impact est inexistant et où les négociations se déroulent de façon plus classique. Globalement, le niveau de demande que nous formulons aujourd’hui n’est pas plus important cette année, comparativement aux exercices précédents, du fait de la crise sanitaire.

La loi EGAlim a été promulguée il y a un peu plus de deux ans maintenant. Quels en sont les effets dans le quotidien de vos négociations ?

Patrice Mounier : Ce qu’elle a changé, c’est que l’on fonde nos discussions sur le prix payé aux producteurs pour de nombreuses catégories. Cela permet d’avoir un échange qui part de cet élément-là. Ce principe du ruissellement constitue vraiment l’esprit de la loi. Cela permet aussi d’avoir plus de transparence pour ces filières. Les industriels qui nous demandent de rehausser les tarifs parce que le prix payé producteur augmente ont ce devoir de transparence. Ils doivent afficher ce qui est réellement payé aux producteurs. La loi EGAlim a donc amené les négociations à se fonder sur le prix payé producteur et sur un principe de transparence.

Il y a eu des effets bénéfiques, c’est certain. Le lait est emblématique, car il est aujourd’hui l’une des filières les mieux organisées. Cela a des effets positifs quand on voit une revalorisation du prix payé producteur, pour le lait de consommation, entre 30 et 40 euros les mille litres sur les trois dernières années. Ce n’est peut-être pas suffisant aux yeux des producteurs, mais cela reste une revalorisation importante de ce prix.

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