Matthieu Dischamps (Powerdot) : « Les bornes de recharge électrique, un outil d’attractivité et de fidélisation pour les retailers »

Créée en 2018 au Portugal, la start-up Powerdot a installé en début d’année son 1 000ème point de charge rapide en France. Elle entend consolider son statut de leader de la recharge rapide pour véhicules électriques, en visant les enseignes de la grande distribution et les espaces commerciaux. Matthieu Dischamps, directeur général de Powerdot en France, répond aux questions d’Actu Retail.

En octobre 2020, le gouvernement se donnait une échéance d’un an pour déployer 100 000 bornes de recharges en France. Où en sommes-nous de cette feuille de route et de quelle façon Powerdot y contribue ?  

Matthieu Dischamps : En effet, le gouvernement s’était fixé pour objectif d’atteindre les 100 000 points de charge d’ici fin 2021. En mai 2023, cet objectif symbolique a été atteint. Il a eu le mérite de mettre tous les acteurs en ordre de marche. Un certain nombre d’enseignes de la grande distribution ont notamment pris l’engagement de participer à cet effort collectif.

Cela a pris plus de temps que prévu, en raison des nombreuses contraintes avec lesquelles il faut composer et de la complexité intrinsèque de ce déploiement. S’agissant de Powerdot, nous y contribuons à hauteur de 1 400 points de charge – 5 000 autres étant en train d’être installés. À l’occasion du sommet « Choose France », nous venons d’annoncer un investissement de 140 millions d’euros en France pour installer 8 000 points de charge d’ici 2025. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que ce n’est pas seulement une question de quantité, mais aussi de qualité. À cet égard, nous installons essentiellement des bornes de recharge rapide.

À l’heure actuelle, c’est l’un des problèmes du réseau français : en plus d’être sous-développé en termes de nombre de bornes déployées, leur puissance n’est généralement pas adaptée aux temps de passage. La recharge lente représente une proportion importante du parc existant. Seuls 8 % des points de charge proposent une recharge rapide. En Allemagne, cette statistique est de 16 %. La puissance du réseau est globalement trop lente : notre objectif est de contribuer à combler ce déficit.

Ce qui va être important, c’est d’avoir une puissance adaptée aux temps de passage. Et lorsque l’on parle de la grande distribution et des retailers, cela signifie qu’il faut avoir une puissance permettant de recharger son véhicule le temps de faire ses courses. Personne n’a envie de passer huit heures sur le parking d’un supermarché pour recharger sa voiture !

Comme il s’agit d’un investissement très lourd – 200 000 euros d’investissement par site –, on l’offre « gratuitement » aux espaces commerciaux. C’est-à-dire que nous prenons en charge l’investissement et les coûts d’exploitation. Nous nous rémunérons alors sur l’utilisation des bornes, en revendant l’électricité.

Votre particularité, chez Powerdot, est de vous positionner comme un partenaire privilégié de la grande distribution et des espaces commerciaux. Pourquoi avoir fait ce choix de cibler l’univers du retail ?

Matthieu Dischamps : Ce choix se fonde sur la vision que nous avons de la mobilité électrique pour les années à venir. Avec son avènement, vous pouvez facilement céder à la tentation de conserver les mêmes habitudes qu’avec un véhicule thermique – en vous contentant de changer votre moteur par une batterie électrique. Or derrière l’objectif de transition énergétique, il y a l’opportunité de révolutionner nos habitudes et de simplifier la vie des Français. Là où, avant, vous deviez faire un détour pour faire le plein à une station-service – attendre cinq minutes à côté de la pompe puis repartir – nous estimons que, demain, le véhicule électrique permettra de se recharger en temps « masqué ».

Notre vision, c’est la recharge à destination. Autant profiter d’une activité naturelle – faire ses courses, aller au restaurant – pour recharger son véhicule. C’est pour cette raison que nous nous sommes positionnés sur le retail. Partant de ce postulat, nous avons développé une multitude d’outils, de produits et de services autour des bornes pour les adapter au contexte des retailers. Nous leur offrons aujourd’hui la possibilité d’utiliser les bornes comme un outil d’attractivité et de fidélisation.

Ces points de charge viennent au service de leurs problématiques, en augmentant le nombre de passages clients, leur fréquence et leur panier moyen. Ces bornes peuvent elles-mêmes devenir des supports à des opérations marketing. Par exemple, un retailer peut offrir une réduction sur la recharge pour un certain montant dépensé en magasin. Les enseignes sont ainsi susceptibles d’activer des offres promotionnelles autour des bornes pour les imbriquer dans leurs activités commerciales.

Des critiques s’élèvent pour pointer certains problèmes liés aux bornes, notamment un important taux d’indisponibilité pour des raisons techniques ou de maintenance. S’agit-il de vrais freins à la généralisation de la mobilité électrique ?

Matthieu Dischamps : La disponibilité et la bonne fonctionnalité des bornes constituent, en effet, un enjeu majeur. Des plaintes et des reproches sont régulièrement adressés à l’encontre du réseau français de bornes électriques, du fait de pannes récurrentes. Une des raisons à cela est qu’il y a longtemps eu beaucoup de bornes gratuites. Personne n’avait donc intérêt à ce qu’elles fonctionnent de façon optimale, d’où ce défaut d’entretien.

Notre modèle est différent, puisque nous sommes tiers-investisseurs. Notre intérêt est totalement aligné avec celui des retailers et des utilisateurs, puisque notre rémunération dépend du bon fonctionnement des bornes. Nous avons tout à gagner à ce qu’elles soient utilisées au maximum. Dans cette perspective, nous avons mis en place des process et des ressources pour assurer une disponibilité maximale de nos bornes. Nos équipes de techniciens sont internalisées et réparties sur tout le territoire, au plus de près de notre réseau – Rennes, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Lyon, Mulhouse, Lille et Paris. Elles sont en mesure d’intervenir le plus rapidement possible.

Nous avons également développé notre propre logiciel de supervision, afin de pouvoir suivre en temps réel l’état de l’ensemble de nos bornes. Elles sont toutes équipées de cartes SIM ou de câbles Ethernet, qui remontent les informations utiles. Dès qu’il y a un problème ou que l’on anticipe une panne, cela est signalé sur notre tableau de bord que l’on a d’ailleurs baptisé « Houston ». 

Ce système permet d’assurer une disponibilité maximale, en combinant une présence terrain, une couche logicielle et un cockpit qui orchestre les opérations. Au minimum, nous nous astreignons à intervenir au moins une fois par an sur toutes les bornes. Elles bénéficient toutes de cette visite préventive, qui permet la réalisation d’opérations allant du simple resserrage de boulons à la vérification ou au remplacement des connecteurs, des câbles ou des filtres. Cela permet de prévenir les pannes et les opérations de maintenance corrective.

Avec Powerdot, vous avez une présence sur plusieurs marchés tels que le Portugal, l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg et la Pologne – en plus de la France. Globalement, où se situe la France par rapport à ses voisins européens ?

Matthieu Dischamps : Il y a deux critères que l’on peut examiner. Tout d’abord, la part de la recharge rapide dans le pays – or ce taux est deux fois supérieur en Allemagne. Ensuite, il y a le nombre de points de charge tous les 100 kilomètres de route. La France compte entre sept et huit points de charge tous les 100 kilomètres de route, contre 18 en Allemagne. Donc là aussi, les indicateurs ne plaident pas en faveur de la France. La comparaison n’est pas plus flatteuse avec le Portugal, qui est historiquement notre premier marché et où nous sommes le troisième réseau du pays. Celui-ci compte 18 % de recharge rapide et 13 points de charge tous les 100 kilomètres de route. 

Le Portugal est également en avance par rapport à la France. C’est pour cela que nous en avons fait notre marché pilote : il est plus petit en superficie et en même temps plus mature sur le sujet de la mobilité électrique. Il réunissait les conditions idéales pour y tester notre modèle de tiers-investisseur que nous avons été les premiers à lancer en 2018. Ce modèle a tout de suite énormément plu, à la fois aux retailers et aux utilisateurs. C’est fort de ce succès que nous nous sommes lancés en France en 2020. Maintenant, la France est devenue notre premier marché que ce soit en termes d’effectifs, de capitaux déployés et de points de charge.

Lorsque l’on compare la France à ses voisins européens, et bien qu’elle soit en retard par rapport à l’Allemagne ou le Portugal, on peut dire qu’elle est pleinement engagée dans ce mouvement de la mobilité électrique. Elle est en avance par rapport à d’autres pays comme la Pologne. Elle a plusieurs atouts, tels que sa politique énergétique reposant pour l’essentiel sur une électricité décarbonée. Cela permet d’aller au bout de la logique écologique des bornes. Cela fait sens d’avoir des véhicules électriques en France.

Le deuxième atout de la France, c’est son gestionnaire de réseau de distribution – à savoir Enedis. Celui-ci est très performant par rapport aux autres pays où nous sommes implantés. En France, pour déployer une station de recharge rapide, il faut compter sur des délais de huit à neuf mois alors que ce temps peut être bien plus long ailleurs. Enedis est un acteur incontournable dans ce process, puisqu’il est chargé d’amener la puissance électrique sur site. C’est pour cela que nous avons signé avec lui un partenariat à la fois au niveau national et dans chacune des directions régionales. Nous sommes le seul opérateur à l’avoir fait, l’objectif étant d’assurer la vitesse de déploiement de notre réseau. C’est grâce à cela que nous sommes l’opérateur ayant ouvert le plus de sites de recharge rapide l’année dernière en France.

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