Antoine Leclercq (Caast) : « Le live shopping répond à un besoin croissant de digitalisation de l’animation commerciale »

Dans le contexte de la crise de la Covid-19, la question de l’animation commerciale des communautés de clients en ligne s’est rapidement posée comme un enjeu majeur pour les distributeurs et les marques. D’abord popularisées en Asie, les solutions de live shopping semblent s’imposer comme des leviers opérationnels permettant d’accroître l’efficacité de la conversion client. Actu Retail a pu aller à la rencontre d’Antoine Leclercq, CEO de Caast, une jeune société proposant des solutions de live shopping et de live branding, ainsi qu’un accompagnement opérationnel et stratégique.

Comment en êtes-vous venu à vous spécialiser dans le domaine du live shopping ?

Antoine Leclercq : L’entreprise Potion, à l’origine de la création de Caast, était déjà spécialisée dans la distribution de technologies permettant d’engager les communautés de clients des distributeurs. En mars 2020, nous avons pu constater que l’arrivée de la Covid-19 remettait en question notre modèle et que nos clients retailers avaient désormais de nouveaux besoins qu’il nous fallait mieux comprendre. 

Dès mars 2020, nous avons donc engagé une démarche de co-création impliquant les distributeurs, les e-commerçants et les marques en organisant en l’espace de quelques mois plus de 300 entretiens et ateliers de travail. Nous leur avons posé dans un premier temps des questions d’ordre général, avant de dédier ces entretiens à la problématique de l’animation commerciale en magasin. La fermeture des magasins à cette époque était un problème, tout en permettant de se projeter sur l’avenir du e-commerce. De fil en aiguille, nous avons progressé sur notre compréhension des enjeux de l’animation commerciale digitale et de ses perspectives.

Au travers de ces ateliers de co-création, nous avons identifié de vrais besoins autant du côté des animateurs de vente – qui ne pouvaient plus être présents en magasin – que de leurs clients – qui ne pouvaient plus se déplacer et donc être conseillés. Des solutions techniques semblaient possibles pour animer les ventes e-commerce et accompagner le consommateur dans ses choix en temps réel, de manière interactive ou en replay.

Ces constats ont été au fondement de la création de Caast. Ils nous ont permis, une fois collectés et analysés les résultats de l’ensemble de ces entretiens et ateliers, d’initier le développement d’une solution de live shopping et de lancer fin juillet 2020 un premier live sur le site de Cultura. La solution n’était pas encore finalisée – il s’agissait d’un « proof of concept » (POC) –, mais a rencontré un franc succès auprès des clients de Cultura.

En matière de live shopping, nous n’avons pas vraiment été inspirés par la Chine qui proposait à l’époque un certain nombre de solutions via des « méga-plateformes ». Nous avons plutôt pris son contrepied en répondant à une simple question : comment digitaliser l’animation commerciale ? Toute la solution Caast a été développée à partir de cette question et des retours clients. Cela nous a permis d’orienter la solution de manière différente. Notre point de départ n’a pas été un « copycat » mais le constat d’un besoin croissant de digitalisation.

Quelles sont les solutions technologiques proposées par Caast et comment fonctionnent-elles ?

Antoine Leclercq : Notre solution s’intègre directement aux sites des distributeurs – Carrefour, Cultura, Boulanger et d’autres en France et à l’international. Celle-ci permet de diffuser des présentations de produits en direct. C’est un prérequis nécessaire à la préparation et à la réalisation de lives. Cette intégration se fait à différents points de contact du parcours client, pour présenter les sessions en live ainsi que les replays : sur les pages d’accueil, les fiches produits, les pages catégories, etc.

En plus de cette première brique, nous apportons une expertise opérationnelle dans l’organisation des lives. Nous avons également proposé cette année certaines prestations d’accompagnement stratégique afin de permettre à nos clients de s’orienter dans la bonne direction. L’objectif est, in fine, de fournir un accompagnement à la fois technologique, opérationnel et stratégique qui s’adapte aux différents besoins de nos clients.

Justement, qu’est-ce qu’un live shopping réussi ? Quelles sont les bonnes pratiques mises en avant par Caast et les indicateurs de performance à mesurer ?

Antoine Leclercq : Un live réussi dépendra des objectifs de nos clients. On distingue ainsi les lives shopping, situés en aval du funnel de conversion dans un objectif de vente, et les lives branding, intervenant plus en amont pour présenter un univers de marque et inspirer les clients. Un live peut donc être organisé à toutes les étapes du funnel de conversion : de la découverte jusqu’à la décision d’achat, en passant par la phase de réflexion. Un live se positionne sur une voire deux étapes de ce funnel.

Nous avons ainsi organisé des lives branding pour Moulinex avec Cyril Lignac, très en amont du funnel de conversion et animés comme des émissions de télévision. Il ne s’agissait donc pas d’une démonstration détaillée et technique d’un produit. Plus tard, nous avons organisé des lives shopping beaucoup plus explicatifs et destinés à répondre aux questions de l’audience. On dépasse dans ce cas le cadre du seul divertissement.

Ces dispositifs n’ont pas les mêmes objectifs. Un live branding a pour objectif de toucher une audience large, tandis que le live shopping vise à mener des actions commerciales ciblées – avec parfois certaines promotions associées. Dans ce dernier cas, il importe de mesurer le nombre de clics sur les fiches produits, le nombre d’ajouts au panier et bien sûr le nombre de conversions.

Mais il ne faut pas uniquement se concentrer sur des indicateurs commerciaux, dans la mesure où un live apporte d’autres informations intéressantes. La composition de l’audience engagée ou le temps passé en moyenne à consommer le live donne des indications sur le niveau d’intérêt généré, ainsi que sur le stade d’avancement des clients dans leur processus de décision. Les achats ne sont pas nécessairement instantanés, au cours du live, mais peuvent intervenir quelques heures, quelques jours ou quelques semaines plus tard.

Certains réseaux sociaux ont annoncé par le passé arrêter le live shopping : qu’en pensez-vous ?

Antoine Leclercq : C’est d’abord une question de communication. Quand TikTok a annoncé arrêter l’année dernière le live shopping, nous les avons immédiatement contactés pour tenter de mieux comprendre cette décision. On nous a répondu qu’il s’agissait seulement d’une annonce et que cela ne signait absolument pas la fin du live shopping sur le réseau social. Pour preuve, les pratiques de live shopping ont été réintégrées sur la plateforme en 2023 et TikTok s’oriente de plus en plus vers le statut de marketplace – et non de simple plateforme vidéo. TikTok a fait le choix de se positionner comme un concurrent d’Amazon et donc de réactiver les fonctionnalités relatives au live shopping.

Ces plateformes ne sont pas pour autant l’endroit idéal pour vivre une expérience d’achat de même calibre que sur les sites d’enseignes spécialisées comme Fnac, Cdiscount, Cultura ou Boulanger. Les plateformes telles que TikTok sont des places de marché « ouvertes » et le niveau de confiance du consommateur y est moindre.

Les plateformes commerciales « traditionnelles » se trouvent par nature dans une démarche de réassurance continue vis-à-vis de leurs clients, en insistant sur la qualité du service proposé. Les marques qui diffusent des expériences de live shopping sur le site de Sephora sont ainsi attirées par les garanties apportées par une telle plateforme spécialisée.

En Asie, les pratiques de live shopping semblent plus matures qu’en Europe : est-ce une réalité selon vous ? Le cas échéant, quelles différences culturelles identifiez-vous ?

Antoine Leclercq : Une première différence réside selon moi dans l’usage des plateformes. De nombreuses méga-plateformes comme WeChat et Taobao existent de longue date et disposent d’une audience importante. Le live shopping est connu pour accroître les taux de conversion et permettre de communiquer plus efficacement que par le biais des fiches produits. Ce sont, en outre, des sociétés technologiques qui ont investi rapidement dans les solutions de live shopping – depuis au moins sept ans en ce qui concerne Taobao.

Un autre point me paraît essentiel : la structuration des marchés asiatique et européen. La France et l’Europe comptent peu de méga-plateformes pour des raisons à la fois démographiques et culturelles. L’impact d’un live est plus réduit, par construction, que sur les plateformes asiatiques.

Nous disposons en Europe de peu de sites e-commerce pure players et les retailers ne sont pas en général des sociétés technologiques. Comme je le disais précédemment, un acteur comme Taobao a massivement développé sa plateforme technologique, pour lui permettre de déployer le live shopping avec des solutions de pointe. C’est une question de plateforme, de public et de culture.

L’animateur idéal d’un live shopping est-il un influenceur ou un professionnel issu de l’enseigne ?

Antoine Leclercq : Il ne s’agit pas nécessairement d’un influenceur. Nous sollicitons un influenceur ou un créateur de contenus dans trois cas : pour son audience, pour son image ou pour son expertise. Certains influenceurs bénéficient d’une audience importante ou d’une excellente image mais n’ont pas d’appétence pour le live shopping. D’autres disposent d’une grande expertise mais sont de mauvais animateurs. Les influenceurs ne sont pas forcément la meilleure option pour animer un live.

En conséquence, nous pouvons avoir recours à des experts travaillant directement chez le distributeur ou la marque. Le format « duo », composé d’un animateur issu de l’enseigne et d’un expert venant d’une marque invitée à présenter ses produits, a fait ses preuves. C’est un modèle qui fonctionne extrêmement bien, surtout lorsque les lives sont effectués de façon récurrente – parfois hebdomadaire comme c’est le cas avec Boulanger.

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