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Carrefour, Auchan et Leclerc : les ressorts d’une plongée abyssale pour les hypermarchés

DÉCRYPTAGE – La dernière livraison de Kantar sur les performances des enseignes sur la P4 met des chiffres et des statistiques sur ce qui, jusqu’alors, était du domaine de l’empirique et de l’impressionniste. Si les images des cohues aux abords des hypermarchés de province ont empli les imaginaires ante confinement, donnant à penser que la crise sanitaire allait permettre à ces derniers de reconquérir des PDM, le bilan est tout autre à l’heure des comptes. Les adjectifs manquent pour qualifier la chute des hypermarchés, et avec eux les acteurs les plus exposés sur cette surface, que sont Carrefour, Auchan et Leclerc. Celle-ci ne saurait cependant faire oublier les performances records des enseignes de proximité et du canal digital.

La publication des parts de marché PGC-FI sur la P04 2020, à savoir la période allant du 23 mars au 19 avril, met au jour une plongée abyssale des PDM des hypermarchés : -2,4 points pour Carrefour et Leclerc et -1 point Auchan sur ces surfaces. Des chutes records qui, de mémoire d’analystes et d’observateurs avisés, n’ont jamais été enregistrés et qui témoignent, s’il fallait en douter au demeurant, de la magnitude de la crise sanitaire sur le secteur de la grande distribution. Une plongée abyssale des parts de marchés qui, du fait de sa dimension purement contingente, ne saurait évidemment être trop extrapolée, mais qui tend à renforcer une tendance de fond dans le secteur. À l’aune de cette conflagration sanitaire, économique et sociale, force est cependant de reconnaître que les acteurs disposant des parcs d’hypermarchés les plus denses sont ceux qui ont subi la crise de plein fouet. Une crise qui a frappé avec d’autant plus de force les distributeurs les moins diversifiés, que ce soit en matière de parcs en commerces de proximité ou d’assets digitaux, alors même que ces deux secteurs ont été sursollicités par les Français au cours de ces dernières semaines de confinement.

Intermarché et de Système U, une progression qui repose sur les parcs de supermarchés et de drives

Du côté des indépendants, Intermarché, quelque peu chahuté sur les réseaux sociaux ces dernières heures, s’avère être le grand gagnant de cette redistribution des cartes induites par la pandémie. Forte de ses 1 351 Intermarché Super, le supermarché sur-mesure des Mousquetaires, et de ses 292 Intermarché Contact, qui misent à fond sur le rural et le familial, Intermarché a enregistré les meilleurs performances, avec 1,7 point de part de marché sur la période. L’accent mis sur la proximité et le bon maillage du réseau expliquent, tout à la fois, ces performances records. Des performances du même acabit pour Système U qui, avec une progression de 0,7 point de PDM, a également tiré parti de son parc très étoffé de Super U (744 unités).

Si la focale sur les supermarchés pour ces deux acteurs explique en partie les performances sur la P4, il faut également regarder du côté des drives pour expliquer ces progressions pour le moins extraordinaires. En effet, du côté d’Intermarché, la progression de l’enseigne est en partie la résultante des bonnes performances des drives, dont les implantations se sont considérablement accélérées au cours de ces derniers mois. Intermarché propose, en effet, ses services de drive dans 1 437 points de vente et profite donc de ses nombreux points de vente et de son côté précurseur en la matière, pour tirer parti des évolutions des modes de consommation des Français en cette période éminemment trouble et volatile. À noter que les explications qui s’appliquent pour Intermarché s’avèrent également être pertinentes pour Système U, où les drives ont permis d’engendrer plus de 400 000 nouveaux clients sur la P4.

Le groupe Casino surperforme le marché et profite de son réseau d’enseignes urbaines et de proximité

Au registre des bonnes performances, le groupe Casino se distingue également sur la période grâce à la diversité de son offre. Du côté de ses enseignes de proximité, le groupe Casino enregistre notamment +0,2 point pour Casino Proximités, +0,2 point pour Monoprix, avec un panier moyen en forte augmentation et +0,3 point pour Franprix, avec un flux de clients en hausse, comme le souligne Kantar. Concernant l’enseigne Supermarchés Casino, qui gagne 0,3 point de part de marché, si cette dernière sous-performe par rapport à la même offre du côté d’Intermarché ou de Système U, il faut toutefois rappeler, pour nuancer ce constat quelque peu hâtif, que le groupe Casino a engagé, dans le cadre du plan Rocade, une nette réduction du parc (fermeture et/ou cession de magasins).

Des résultats des enseignes urbaines et de proximité qui tendent donc à confirmer les impressions de ces dernières semaines, ainsi que les remontées sur les réseaux sociaux, montrant un afflux significatif de clients aux abords de ces enseignes spécifiques. Restriction des déplacements, évolution des modes de consommation et volonté d’éviter les espaces d’affluence, autant de facteurs qui peuvent expliquer les choix des Français.

Les mesures sanitaires, une explication plausible à la dégringolade des hypermarchés ?

Comme le rapporte LSA, une source proche du groupe Carrefour fait état du fait que le recul de l’enseigne sur la P4 s’expliquerait par les mesures de protection à l’égard des salariés et des clients passant, notamment, par une limitation des horaires d’ouverture. Carrefour, qui cède 2,4 points sur ses hypers, met donc en avant une logique de responsabilité, de principe de précaution et de réduction des risques pour expliquer, en partie, cette mauvaise séquence. Ces arguments ne manquent cependant pas d’étonner, alors même que les experts, notamment du monde médical, mettent en avant la nécessité de lisser le trafic en magasin depuis le déclenchement de l’épidémie, afin d’éviter les concentrations en un laps de temps réduit de clients.

Si l’extension des horaires, en soirée ou le dimanche, via notamment le recours aux magasins autonomes et aux caisses automatiques, permet effectivement de répondre à cet enjeu de réduction des risques, il paraît donc plus hasardeux de postuler que la limitation des horaires d’ouverture, comme le fait Carrefour, permet de protéger les clients et les salariés.

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