Alexandre Mayaud (Keyneo) : « Le retail omnicanal, une nécessité pour améliorer l’expérience client »

Plateforme innovante du New Retail, Keyneo accompagne les acteurs du secteur dans leur transition vers le commerce omnicanal. Alexandre Mayaud, CEO de l’entreprise, livre pour Actu Retail son regard sur les principales transformations à l’œuvre dans nos modes de consommation.

Qu’est-ce que le New Retail ?

Alexandre Mayaud : Le New Retail concerne aussi bien les commerçants traditionnels qui cherchent à se réinventer, que les nouveaux acteurs arrivant sur le marché pour le disrupter. L’idée, pour les retailers historiques, est de réconcilier le web et le magasin en unifiant l’expérience client, quel que soit le canal de vente. Et cela, c’est du New Retail. A contrario, l’ancien retail consistait à segmenter les canaux, sans mutualisation des stocks ni politique intégrée de fidélisation.

Le New Retail, c’est également le lancement de nouveaux concepts. Je pense à l’exemple des showrooms, où l’enjeu est de présenter une offre aussi large que possible sur une surface plus réduite. Des enseignes comme Decathlon ou Boulanger sont des retailers qui n’ont de cesse de se réinventer. Ils n’hésitent pas à recourir à des formats de magasins différents, notamment plus petits pour s’adapter aux centres-villes. C’est le cas aussi d’Ikea, tout en permettant aux clients d’accéder à l’entièreté de l’offre.

Quand on parle de New Retail, se pose par ailleurs la question de la relation que l’on entretient avec son client en magasin. Le vendeur occupe désormais différentes fonctions : il est à la fois conseiller de vente et accompagnateur du client de bout en bout, parfois jusqu’à l’encaissement final via des terminaux de paiement mobiles. Ces nouveaux parcours fluidifient l’expérience client.

Il existe bien sûr de nouveaux acteurs qui, depuis leur création, font du New Retail. C’est le cas des Digital Native Vertical Brands. Celles-ci sont apparues sur le web, mais souhaitent à terme se rapprocher physiquement de leurs clients en ouvrant des magasins. En général, elles disruptent les codes avec des points de vente qui ressemblent d’une certaine façon à leur site internet. Tout y est facile, rapide, y compris le check out.

Enfin, le fait pour des acteurs B2B de vouloir atteindre directement le consommateur final rentre aussi dans cette logique de New Retail. On le voit dans le secteur alimentaire, avec des concepts anti-gaspi. En l’espèce, c’est le digital qui permet à ces acteurs de s’adresser à l’utilisateur en bout de chaîne à moindre coût. Et de beaux succès sont au rendez-vous. Toutes les formes de commerce sont potentiellement concernées par le New Retail. Au-delà des retailers classiques, Keyneo accompagne également des groupements de pharmacies, des coopératives agricoles ou des industriels alimentaires par exemple.

Dans un contexte d’après-crise sanitaire, peut-on affirmer que le marché du retail s’est radicalement transformé ?

Alexandre Mayaud : Pendant la pandémie, il est clair que les parts de marché d’Internet ont explosé. Mais nous constatons aujourd’hui que ce phénomène tend à retomber. Nous pensions que le canal internet avait réussi à atteindre pour de bon des consommateurs qui ne l’utilisaient pas jusqu’alors. En réalité, les clients ont eu besoin de retrouver le plaisir du shopping physique et de la relation humaine. Certaines pratiques omnicanales, pour autant, se sont durablement installées comme le click and collect. Ce qui compte pour le client, c’est d’avoir le choix dans son expérience d’achat.

Au-delà des aspects sanitaires, les individus aspirent à une consommation plus respectueuse de l’environnement, tout en prêtant beaucoup d’importance aux prix de vente en raison de l’inflation. Autrement dit, il faut que ce que l’on consomme soit bon pour la planète, bon pour soi et bon pour son budget. L’essor de Lidl sur le marché français s’explique non seulement par son positionnement en termes de prix, mais aussi par la qualité de son assortiment. L’ère des grands centres commerciaux accessibles en voiture est terminée. La proximité se développe, avec des enseignes qui cherchent à se rapprocher de leurs clients.

On observe également l’émergence du quick commerce, permettant d’accéder aux produits du quotidien – y compris les produits frais – tout en restant chez soi. Mais la question reste de savoir si ce modèle pourra convaincre sur la durée les consommateurs. De manière générale, on note une baisse de fréquentation chez tous les retailers physiques. Les clients se déplacent moins, mais achètent davantage une fois sur place. L’enjeu est donc de transformer l’expérience client, en s’assurant que le déplacement en magasin s’accompagne d’une vraie plus-value.

Existe-t-il un risque de cannibalisation du magasin physique par le digital ?

Alexandre Mayaud : Ce risque n’existe pas, à partir du moment où chacun des deux canaux apporte une valeur ajoutée. Le magasin physique propose un avantage en termes d’expérience, de relation et de service apporté au client. Le digital, quant à lui, permet au consommateur d’avoir accès à une offre complète depuis son domicile. Le bon mix de ces canaux est indispensable. Avec la Covid, le consommateur a été habitué à acheter en ligne. Il doit donc retrouver sur tous les canaux de vente les mêmes avantages en matière de fidélité, d’offres commerciales, de facilité de retour des produits, etc.

Quel sera le nouveau rôle du vendeur dans cette ère du New Retail ?

Alexandre Mayaud : Beaucoup d’enseignes continuent de segmenter leur parcours client. On rencontre parfois des vendeurs qui se chargent de l’accueil en magasin, d’autres qui occupent des fonctions plus logistiques et enfin des conseillers SAV ainsi que des responsables de caisse. Le nouveau rôle du vendeur sera d’être polyvalent. Il devra être capable de s’assurer de l’accueil en magasin, de traiter des commandes omnicanales, d’accompagner des clients présents physiquement, de les encaisser et de répondre à des sollicitations sur les réseaux sociaux. Ce rôle de « vendeur augmenté » pose des questions en matière de droit du travail. Lorsqu’un contrat de travail précise une fonction déterminée, il est compliqué pour le salarié de faire autre chose. Mais certaines enseignes ont tout de même réussi cette transition.

Nous nous dirigeons de plus en plus vers la fin de l’encaissement. Les exemples d’Amazon Go et de Tesco sont probants. Mais la question in fine n’est pas de supprimer les hôtesses de caisse. Il s’agit plutôt d’anticiper ce nouveau rôle du vendeur. Avec le click and collect ou le « ship from store », il est plus que jamais important que les stocks soient justes et que les préparations de commande soient efficaces.

Quelle est la place de la data au sein des nouvelles stratégies mises en place par les retailers ?

Alexandre Mayaud : L’avenir du retail passe par davantage de contextualisation et de personnalisation de l’expérience de vente. Dans cette optique, il faut connaître ses clients. Il est donc nécessaire de recueillir, de stocker et de traiter des données. Les consommateurs ont parfois peur de la data, parce qu’ils ne perçoivent pas toujours son intérêt pour améliorer leur expérience d’achat. Certains clients sont davantage sensibles aux réductions, d’autres au fait de pouvoir accéder sans délai aux dernières nouveautés. Le recueil de données permet alors de personnaliser l’expérience client en fonction de ces spécificités. Mais il faut savoir bien utiliser ce nouvel or noir, aux seules fins d’améliorer le parcours du consommateur. 

Que pensez-vous des magasins complètement autonomes ?

Alexandre Mayaud : Il faut avant tout se poser la question de la valeur ajoutée d’un tel format, notamment par rapport à un commerce en ligne susceptible de livrer ses clients en une heure. Je crois en la pertinence des magasins autonomes pour les produits alimentaires et de première nécessité. Mais pour des produits comme un rasoir ou de l’électroménager, l’intérêt est plus limité. Le concept de magasin autonome pourrait également être adapté à des zones de chalandise où il n’y a plus tellement de commerces. Ce format coûte en effet moins cher à opérer qu’un magasin traditionnel. Sans croire à une généralisation des magasins autonomes, j’estime qu’ils peuvent être intéressants dans certains cas.

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