Adrien Lemaire (Kabin) : « S’isoler pour travailler en plein centre commercial, c’est possible ! »

Le micro-working s’invite dans le monde du retail. C’est en tout cas l’ambition de Kabin, une start-up qui conçoit des bulles de travail connectées, confortables et confidentielles pour passer un « call » ou une « visio » depuis une gare ou un supermarché. Actu Retail a pu échanger avec Adrien Lemaire, co-fondateur de ces box parfaitement isolées et déjà expérimentées dans un Daily Monop’.

Quelle est la genèse de Kabin ? Pourquoi avez-vous souhaité vous lancer dans cette aventure ?

Adrien Lemaire : Il y a plusieurs raisons qui expliquent la création de Kabin. Mon associé et moi étions très souvent en mouvement et, à chaque déplacement, nous nous retrouvions dans des situations inconfortables pour travailler – que ce soit pour passer un appel ou mener une réunion par visioconférence. Et il nous arrivait souvent de devoir conduire des conversations dans des endroits où il ne fallait pas faire de bruit. 

Nous nous sommes ainsi rendu compte que nous étions de moins en moins au bureau et que nous avions besoin de solutions ponctuelles pour s’isoler et travailler. À titre personnel, mon grand souci était de pouvoir échanger en dehors du bureau sans déranger mon entourage immédiat. Le premier sujet, à l’origine de Kabin, porte donc sur ces aspects de confort et d’insonorisation. Les solutions de flex office existantes, que ce soit dans des bureaux d’entreprises ou dans des espaces de co-working, sont idéales pour se concentrer avec un casque sur la tête mais pas forcément pour échanger à distance.

Le deuxième point est lié à l’usage. Nous nous sommes rendu compte que nous étions de plus en plus utilisateurs de services comme Cityscoot, c’est-à-dire des services à la demande actionnables en autonomie par l’utilisateur grâce à une application. Tout cela nous a donné envie de résoudre le problème de l’espace de travail lorsque l’on est en mouvement, en nous inspirant des solutions de micro-mobilité – autonomes et facilement accessibles.

Il nous a semblé qu’il y avait un manque dans ce marché des espaces de travail partagé. Nous avons souhaité apporter une brique supplémentaire, en nous positionnant dans des endroits à la recherche de nouveaux usages – à l’instar des centres commerciaux. Notre idée a été de proposer un service permettant à ses utilisateurs de travailler dans des lieux où ils se trouveraient autrement en situation d’inconfort.

De là est née l’aventure Kabin. Nous avons cherché à implanter notre solution dans des centres commerciaux et avons même tenté l’expérience au sein d’un Monoprix. Il s’est agi en l’occurrence de la cafétaria du Monoprix des Ternes, ce qui était assez disruptif comme approche. Une autre expérimentation est en cours dans un centre commercial Nhood au Luxembourg. Nous sommes présents dans la galerie commerçante et l’expérience est jusqu’ici concluante.

Comment se présente précisément votre solution Kabin ? De quelle façon proposez-vous de réinventer l’espace de travail sur un mode libre-service ? 

Adrien Lemaire : Il y a deux façons de répondre à cette question, par l’usage ou par le produit. À vrai dire, on investit deux typologies d’usage. Le premier usage est celui du nomadisme, ce qui va nous inciter à nous installer dans des lieux de fort trafic. Aussi visons-nous principalement des nœuds de transport. Par exemple, Kabin s’installe dans des gares puisque, dans ces endroits, il y a de l’attente, de l’inconfort et un besoin clairement identifié lié au nomadisme.

Le deuxième usage, c’est la Kabin en bas de chez soi. Quand nous travaillons à la maison, il est parfois nécessaire de s’extraire du domicile pour des raisons diverses – les enfants ! – et trouver de la tranquillité. La présence de Kabin dans des centres commerciaux s’inscrit dans cette perspective. C’est le constat que nous dressons dans le cadre de notre expérimentation au Luxembourg. 

Le développement de notre service se fonde sur deux éléments. D’abord un réseau, à développer sur le temps long. Et ensuite sur la preuve que notre solution fonctionne dans des types d’endroits spécifiquement identifiés. Nous espérons revenir chez des enseignes comme Monoprix, avec un réseau déployé par ailleurs et une base d’utilisateurs bien fournie. Cela aurait beaucoup de sens.

Concrètement, pour utiliser une Kabin, il suffit de la réserver à l’avance directement sur l’application dédiée ou alors de la déverrouiller sur place – sous réserve qu’elle soit libre. Les créneaux vont de quinze minutes à la journée entière. Nous fonctionnons encore pour l’essentiel à l’usage, mais nous testons en ce moment-même des formules d’abonnement.

Quel serait l’intérêt, justement, pour un retailer d’accueillir une Kabin sur son espace de vente ?

Adrien Lemaire : Notre objectif est clairement d’apporter un service complémentaire aux utilisateurs. Ce n’est pas cela qui va créer une ligne de revenus fondamentale pour le retailer à la clôture de son bilan, nous en avons bien conscience. En revanche, dans une logique de renouvellement des usages et d’évolution des magasins, intégrer une brique travail revient à contribuer à une mixité de services à même de faciliter la rétention et l’acquisition de nouveaux clients. La promesse est de pouvoir faire ses courses tout en passant un appel en visioconférence entre deux achats. Désormais, nos vies sont devenues mixtes entre pro et perso. C’est fini le temps où l’on travaillait en semaine pour faire ses courses le week-end !

Quelles sont les perspectives de développement de Kabin à horizon cinq ou dix ans ?

Adrien Lemaire : Tout l’intérêt de Kabin sera de pouvoir s’appuyer sur un réseau dense et établi. C’est là que l’entreprise remplira pleinement sa vocation de départ, qui est de permettre aux travailleurs de gagner en liberté, en efficacité et en concentration. Kabin, c’est avant tout offrir la possibilité de se mettre dans sa bulle, où que l’on soit.

Nous visons trois types d’implantation. Les nœuds de transport, on l’a dit, ainsi que les cœurs de ville et les centres commerciaux qui répondent à la logique du « en bas de chez soi ». Le troisième axe est celui des localisations « image ». Nous aimerions développer des Kabin dans des lieux remarquables, ou plus simplement dans des parcs et au bord d’étendues d’eau, pour permettre aux travailleurs de disposer de bureaux « avec vue ». C’est une façon d’offrir à la fois de l’insonorisation, du confort et une dimension inspirationnelle – voire touristique – grâce à une vue agréable. Je pense également à la montagne. À mes yeux, une partie du bien-être au travail est liée à ce que l’on voit.

Quels sont les premiers retours de votre expérimentation en centre commercial au Luxembourg ?

Adrien Lemaire : Il est intéressant de noter que l’acquisition est difficile mais que la rétention est très facile. Un utilisateur de Kabin y revient volontiers ! En revanche, le client d’un centre commercial va mettre du temps à franchir le pas de ce nouveau service. Il y a une barrière à l’entrée liée au fait que ce type de service est inédit dans un espace comme celui-ci. Les consommateurs ne se rendent pas, a priori, dans une galerie marchande pour y travailler car ils se sont en principe organisés pour ne pas avoir à le faire. Nous leur offrons cette possibilité complètement nouvelle à l’heure où nous mixons nos agendas : c’est une tendance de société, et la progression de nos taux d’occupation de semaine en semaine en témoigne !

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