Léo Le Ster

Léo Le Ster (L214) : « L’évolution des pratiques de l’industrie agroalimentaire n’est pas négociable »

L’association L214, qui prône l’abolition de toute forme d’exploitation des animaux, s’est fait une spécialité de dénoncer les pratiques d’élevage et d’abattage les plus cruelles et la commercialisation des produits issus de celles-ci par la grande distribution. Léo Le Ster, chargé de campagne de l’association, revient pour Actu Retail sur les actions menées par l’association au sein du secteur, et sur la place croissante qu’occupe la question du bien-être animal dans le débat public.

Beaucoup de distributeurs ont annoncé ces dernières années prendre des engagements en faveur du bien-être animal ; assiste-t-on à un vrai changement des mentalités ?

Léo Le Ster : En effet, on constate de vraies avancées depuis quelques années en France. Aujourd’hui, il y a 140 entreprises de l’agroalimentaire qui se sont engagées contre l’élevage en cage des poules pondeuses. Une majorité des acteurs du secteur se sont positionnés sur ce sujet, si bien qu’on est passé sous la barre des 50% d’élevage en cage pour les poules pondeuses.

Du côté des poulets, on a également 40 entreprises qui ont pris des engagements. C’est notamment le cas d’une majorité des acteurs de la grande distribution, avec entre autres Carrefour, Auchan, Super U, Les Mousquetaires, Casino, Netto ou Match… Et pour cause, 90% des Français considèrent la question animale comme importante. On retrouve d’ailleurs les mêmes proportions de la population contre l’élevage intensif et pour l’accès au plein air. Sur toutes ces questions, il faut que les entreprises s’adaptent afin de répondre aux attentes des consommateurs.

En quoi selon vous la grande distribution n’en ferait-elle pas encore assez aujourd’hui ?

L.L : Cela dépend des enseignes. Mais si on prend le cas de Lidl, son annonce traduit un engagement au rabais. Le groupe discount n’a pas l’intention de réduire la densité des élevages ; ses magasins continueront donc à commercialiser de la viande de poulet provenant d’élevages avec 22 poulets par m², c’est juste inacceptable !

Par ailleurs, les poulets pourront toujours être sélectionnés génétiquement, afin d’optimiser leur croissance, tant est si bien qu’ils pèseront près de 2Kg après une très courte existence de seulement 35 jours. En optant pour ce type d’élevage les animaux rencontrent malheureusement de nombreux problèmes de santé. Alors que Lidl est aujourd’hui le premier annonceur publicitaire de France, l’entreprise n’a aucune excuse pour ne pas s’engager au même titre que les autres enseignes ! Elle en a clairement les moyens !

Le bien-être animal est-il compatible avec le souhait des consommateurs de consommer toujours moins cher ?

L.L : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette analyse : les consommateurs ne veulent pas forcément payer moins cher, ils sont aussi très sensibles à la question animale ! Par exemple pour les œufs, ils ont un étiquetage qui est clair, avec des chiffres allant de 0 à 3 sur les coquilles, et ce code correspond à leur premier critère de choix, avant le prix. En France, les entreprises de l’agro-industrie savent s’adapter, face à un enjeu de société comme le bien-être animal, l’évolution des pratiques n’est pas négociable.

Avec ses campagnes de boycott, ses vidéos chocs et interpellations sur les réseaux sociaux, L214 est parfois considéré comme une menace par les entreprises. L’association entend-t-elle être d’abord un lanceur d’alerte ou un partenaire pour les acteurs du secteur ?

L.L : On privilégie toujours le dialogue avec les entreprises ; d’ailleurs nous échangeons régulièrement avec elles. Par contre, nous n’accepterons jamais de servir de caution. Aussi, la question qui se pose est celle de la sincérité de leur engagement, nous sommes raisonnables et pragmatiques sur ces questions. Nos réactions sont prévisibles, elles n’ont qu’une seule boussole : l’éradication des pires pratiques d’élevage et d’abattage des animaux. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les méthodes que nous employons ont prouvé leur efficacité. Dans de multiples cas, les entreprises restées sourdes à nos revendications, ont finalement accepté de s’ouvrir au dialogue après une première campagne de communication…

L214 fait partie des associations qui soutiennent la tenue d’un référendum sur le bien-être animal. Peut-il accélérer l’évolution des pratiques dans le secteur de la distribution ?

L.L : Oui, par exemple pour l’interdiction de l’élevage en cage de tous les animaux. Plus largement, nous pensons qu’il est nécessaire de légiférer sur ces sujets, le RIP a été lancé pour pallier l’absence d’avancées législatives sur ces sujets depuis trop longtemps.

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