Le consommateur omnicanal en grande distribution - janvier 2021

Consommation omnicanale : « Une tendance de fond qui va s’accélérer dans les années à venir » (budgetbox)

Dans une étude publiée en partenariat avec Harris Interactive, l’expert des consommateurs omnicanaux budgetbox revient sur l’évolution des modes de consommation et de la digitalisation des courses en 2020. Éléments d’analyse avec Céline Lestienne, Project Marketing Manager pour budgetbox.

Un Français sur deux utilise aujourd’hui aussi bien le magasin que le e-commerce pour ses achats de grande consommation. Doit-on s’attendre à ce que ce panachage des modes de consommation perdure, voire s’accentue encore dans les années à venir, ou s’agit-il d’un phénomène conjoncturel dû aux contraintes de la Covid-19 ?

Céline Lestienne : Nous pensons qu’il s’agit d’un phénomène structurel, une tendance de fond qui va s’accélérer dans les années à venir. La transformation du retail et des pratiques de courses était déjà amorcée depuis plusieurs années et s’est accentuée en 2020 face à la crise sanitaire. Selon Kantar, les mesures de restrictions de déplacement de mars à mai dernier ont permis à 2,8 millions de Français de découvrir pour la première fois le e-commerce. 40 % d’entre eux ont d’ailleurs continué à utiliser ce circuit post-confinement.

Même si le e-commerce s’ancre peu à peu dans les pratiques de courses, les consommateurs restent encore fidèles au magasin. Néanmoins, leurs attentes sur ce circuit sont devenues plus exigeantes : ils souhaitent la même expérience d’achat en magasin qu’en e-commerce en termes de gain de temps et de praticité.

Pour y répondre, la digitalisation du parcours et la dématérialisation du paiement en magasin paraissent alors inévitables et l’on devrait continuer à voir apparaître des initiatives en ce sens dans les mois à venir. Les consommateurs iront de plus en plus vers des parcours de courses qui leur offriront l’expérience d’achat la plus fluide et la plus rapide possible. En fonction de leurs besoins à un instant T, ils mixeront entre les parcours offline et online et souhaiteront que les offres et les promotions proposées soient unifiées sur tous les parcours.

D’après votre enquête, les consommateurs omnicanaux sont friands d’informations sur les produits (de type Yuka, nutri-score, avis clients, etc.), soucieux de consommer de façon responsable et demandeurs de plus de promotions. Comment les acteurs de la grande consommation peuvent-ils répondre à ces attentes ?

Céline Lestienne : Il est indispensable pour les acteurs de la grande consommation de répondre à ces attentes, afin de fidéliser des consommateurs de plus en plus volatiles face à un choix de plus en plus important de marques comme de parcours de courses alternatifs. Les marques, comme les distributeurs, doivent adapter leur offre pour fidéliser les consommateurs : transparence, nouvelles recettes sans additifs, emballages plus écologiques, avis clients sur les sites des distributeurs pour rassurer, etc.

Certains acteurs l’ont bien compris et l’on voit se multiplier les initiatives : modification des recettes pour améliorer leur composition (Nestlé, Unilever, Björg, E.Leclerc, etc.), multiplication des gammes bio et végétal chez les industriels (Herta, Poulain, etc.), réduction des emballages chez E.Leclerc, affichage des avis clients sur le site e-commerce d’Auchan Retail, etc. Au-delà de la qualité du bien proposé, le prix et les mécaniques promotionnelles restent aussi essentiels aujourd’hui pour influencer la décision d’achat sur les produits du quotidien. La promotion est donc un levier important à mettre en place par les marques et les distributeurs pour influencer les comportements d’achat.

Mais pour rendre ce levier efficace, les acteurs de la grande distribution doivent répondre aux nouvelles attentes des consommateurs face aux promotions : qu’elles soient plus unifiées quel que soit le parcours, plus personnalisées et qu’il y ait plus de promotions sur des produits responsables.

Vous relevez que les parcours digitaux (drive, livraison et self-scanning) réduisent drastiquement les achats dits « d’impulsion ». Quelles conséquences cela peut-il avoir, pour les acteurs de la grande consommation, sur la façon de mettre en avant leurs produits ?

Céline Lestienne : Sur les parcours digitaux (drive, livraison et self-scanning en magasin), la part des consommateurs qui font des achats non prévus est en effet divisée par deux par rapport au magasin. Les raisons ? D’une part, une visibilité des produits réduite sur les écrans, plus encore avec l’utilisation du mobile. D’autre part, des consommateurs qui cherchent à gagner du temps et passent généralement par la liste de courses en e-commerce sans « flâner » dans les rayons.

L’enjeu pour les marques est donc d’être visible au bon moment sur le parcours et de manière pertinente pour les consommateurs. La digitalisation permet justement de mettre en avant les produits sur un écran, de communiquer de manière ciblée et contextualisée auprès de ses consommateurs stratégiques et au moment clé des courses. Les marques peuvent ainsi utiliser des solutions de retail media ou d’activation sur ces nouveaux parcours, pour recréer efficacement l’impulsion auprès de leur cœur de cible.

Vous vous interrogez sur le cas spécifique du drive piéton. Selon vos estimations, ce circuit nouveau de consommation a-t-il de réelles perspectives de croissance ?

Céline Lestienne : Le drive piéton est un circuit qui émerge peu à peu et cherche sa place depuis quelques années. Il se multiplie notamment dans les centres-villes où les consommateurs ont moins l’occasion d’utiliser leur voiture pour se déplacer. À Paris, par exemple, Nielsen estime que plus d’un foyer sur trois habite à moins de cinq minutes d’un drive piéton.

Même si le parc drive n’en est encore qu’à ses balbutiements, c’est le circuit qui a connu la plus forte croissance pendant le confinement : une croissance moyenne des ventes de + 85 % en 2020 ! Il a su séduire de nouveaux citadins pendant les périodes de confinement par sa praticité et ses prix équivalents à ceux d’un hypermarché. Comme nous l’évoquions, le consommateur utilise un parcours d’achat en fonction de ses besoins. En ce sens, le drive piéton et la proxi devraient coexister et permettre aux consommateurs de choisir le canal qui les arrange le plus à un instant T.

Toutes ces tendances émergentes rebattent-elles les cartes entre groupes historiques et nouvelles marques plus petites ?

Céline Lestienne : Depuis plusieurs années déjà, de nouvelles marques plus petites émergent en grande distribution et surfent sur les attentes et les valeurs de plus en plus chères aux consommateurs (produits bio et responsables, produits végétaux, bien-être animal, etc.). Avec l’explosion du e-commerce, c’est également le DtoC (Joone, Feed, Respire, etc.) qui se développe et qui permet aux « Digital Native Vertical Brands » (DNVB) de promouvoir et de vendre leurs produits via leurs propres canaux (réseaux sociaux, site e-commerce et autres).

Mais, en parallèle, certaines de ces marques « digital natives » font leur entrée en grande distribution, aux côtés des marques traditionnelles. Ces marques bénéficient d’une grande agilité et mettent en avant leurs valeurs fortes, en cohérence avec les valeurs actuelles des consommateurs. Pour tirer leur épingle du jeu, les grands groupes historiques doivent s’inscrire dans les nouvelles tendances de consommation en adaptant leurs recettes et leur packaging, en faisant preuve d’inventivité, en étant à l’écoute de leurs consommateurs et en faisant émerger les atouts de leurs produits.

Quelles perspectives dressez-vous pour les magasins dits « autonomes » (ouverts 24h/24 et 7j/7) dans les mois à venir ?

Céline Lestienne : Les consommateurs d’aujourd’hui ont des attentes de gain de temps et de praticité pour leurs courses du quotidien. Les magasins digitaux, comme le 4 Casino, permettent justement au consommateur de répondre à un besoin d’achat rapide et pratique.

Pour aller plus loin, Monoprix expérimente un magasin autonome « Black Box », permettant aux consommateurs d’accéder au magasin 24h/24 et 7j/7 uniquement grâce à son mobile. L’enseigne a pour ambition de développer ce concept dans des lieux de passages massifs (gares, aéroports, etc.) où le consommateur est en recherche de produits de snacking ou de dépannage. On devrait voir émerger de plus en plus de concepts digitaux similaires, dans les prochains mois et dans les prochaines années, pour permettre aux consommateurs de gagner en flexibilité lorsqu’ils font leurs courses.

Cependant, les relations humaines en magasin restent encore importantes aux yeux des consommateurs et il est primordial de garder un lien social entre vendeurs et clients, notamment pour les services (restauration, conseil, etc.), comme dans le 4 Casino. Comme nous le disions précédemment, différents formats devraient donc coexister pour répondre aux différents besoins.

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