David Essaiagh (Greendid) : « Mettre en relation consommateurs et professionnels pour alimenter la filière du reconditionnement »

Alors que le marché de la seconde main connaît un essor fulgurant, les solutions de rachat/revente par les professionnels sont encore complexes à mettre en œuvre à l’échelle locale. La start-up Greendid entend répondre aux besoins de ce nouveau marché de l’économie circulaire, en mettant en relation consommateurs et acteurs du reconditionnement directement depuis les sites e-commerce des retailers. David Essaiagh, co-fondateur de Greendid, répond aux questions d’Actu Retail.  

Quels ont été vos constats de départ ? Pourquoi avoir souhaité vous lancer dans cette aventure de marketplace au service de l’économie circulaire ?

David Essaiagh : Nous sommes partis du constat qu’il existe un réel déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché des produits reconditionnés. Nous nous sommes donc donnés pour mission d’alimenter les professionnels locaux du reconditionnement, afin qu’ils puissent répondre favorablement à une demande qui est croissante.

Il y a un chiffre qui est édifiant : en France, plus de 120 millions de smartphones dorment dans nos placards. Et dans le même temps, les professionnels du reconditionnement vont se sourcer à l’étranger, alors qu’il y a bien un gisement de produits disponibles au sein des ménages français.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité faire le pont entre les consommateurs et les professionnels locaux du reconditionnement. Greendid est en ce sens une plateforme qui met en relation les consommateurs et ces professionnels. Notre objectif est de rendre la revente aussi simple que l’achat, toujours dans le but d’alimenter la filière du reconditionnement.

Aujourd’hui, les offres de reprise sont globalement méconnues. Les consommateurs ne savent pas forcément qu’ils peuvent revendre leurs téléphones ou leurs produits quels qu’ils soient. Et quand ils peuvent le faire, ce n’est pas simple parce qu’il faut se déplacer dans un magasin spécialisé. De plus, les prix de reprise ne sont pas compétitifs et l’expérience de revente n’est pas au rendez-vous. Il est nécessaire de créer des expériences de revente qui soient simples et incitatives. Notre promesse est de permettre au consommateur de revendre ses produits simplement et instantanément à des professionnels du reconditionnement.

Comment vous y prenez-vous au travers de Greendid, présentée dans les médias comme étant une marketplace C to B ?

David Essaiagh : La notion de marketplace C to B est intelligible et compréhensible pour les professionnels du secteur, mais nous préférons la bannir de plus en plus en raison de son intérêt limité pour le consommateur. Il a été question d’une marketplace C to B parce que nous nous appuyons sur un pôle de repreneurs, qui sont des professionnels du reconditionnement localisés en France. Pour un produit donné, et selon son état de fonctionnement et son aspect visuel, nous collectons plusieurs offres de reprise et nous retenons le meilleur prix pour le client. Et ce qui lui permet cette revente au meilleur prix, c’est l’effet marketplace.

En termes de parcours, c’est très simple. Le consommateur va revendre son produit en trois clics. Nous intégrons pour cela un bouton « revendre » directement dans l’historique de commande des consommateurs, sur le site de leur retailer. Et par un simple clic, le consommateur peut revendre ses produits usagés sans même avoir besoin de créer une annonce. C’est cela qui est assez fort en termes de proposition de valeur et qui permet au client de revendre facilement son produit.

Une fois que le client a fait cela, les professionnels du reconditionnement récupèrent les produits puis les remettent en état, avant de les vendre de nouveau. Par exemple, en cas d’ordinateur acheté à la Fnac, il suffit de se rendre sur son historique d’achat et de cliquer sur « revendre ». Le client bascule sur une plateforme « Fnac x Greendid » et n’a plus que l’état du produit à déclarer, sans avoir à renseigner ses spécifications techniques. L’enseigne peut d’ailleurs préempter les rachats si elle le souhaite.

Le fait de travailler avec un important pôle de reconditionneurs nous permet de couvrir un large spectre de produits repris. C’est la mise en concurrence de tous ces professionnels du reconditionnement qui crée de la valeur et nous permet de retenir la meilleure offre qui soit pour le consommateur.

Êtes-vous présent uniquement sur le canal digital ou également en magasin ?

David Essaiagh : Nous avons parlé du web mais nous sommes avant tout une solution omnicanale de reprise. Nous savons opérer la revente aussi bien en ligne qu’en magasin. Dans cette dernière hypothèse, le consommateur ramène directement son produit au guichet du magasin d’achat. Le vendeur formule alors une offre de reprise émanant d’un reconditionneur partenaire. Nous sommes présents sur le segment high-tech, ainsi que sur celui de la mobilité urbaine – vélos, scooters, trottinettes etc. –, du bricolage et des produits culturels. En d’autres termes, il s’agit des biens d’équipement.

Votre phrase signature est « la tech au service de l’économie circulaire » : que signifie-t-elle ?

David Essaiagh : Ce qu’il faut retenir d’un point de vue tech, c’est nous avons créé un tag – quelques lignes de code – à intégrer dans l’historique de commande qui permet à un client de revendre son produit simplement. L’intégration de ce tag est très simple et ne nécessite pas de développement de la part de l’enseigne.

Plus fondamentalement, nous sommes « plug and play ». Nous gérons tout de A à Z, c’est-à-dire la gestion opérationnelle, documentaire, logistique et financière. Nous disposons d’ailleurs de notre propre service client intégré. Nous mettons ainsi la tech au service de l’économie circulaire, parce que celle-ci nous permet de créer des expériences de revente simples que ce soit pour le consommateur ou le commerçant.

Il y a une chose qui confirme cette dimension de simplicité et d’instantanéité qui caractérise Greendid. Le client, lorsqu’il vend son produit, peut obtenir son virement ou son bon d’achat en moins de cinq minutes et avant même d’avoir expédié le produit. C’est intéressant car beaucoup de consommateurs sont freinés à l’idée, par exemple, de ne plus avoir de téléphone pendant une dizaine de jours. Avec Greendid, le client est plus serein car il obtient sa carte cadeau, la dépense en achetant un nouveau produit, effectue son transfert de données de l’ancien téléphone au nouveau puis expédie en bout de course celui qu’il a revendu.  

Nous sommes présents à la fois en marque grise et en marque blanche. En marque grise, il est possible pour le consommateur d’opter pour un virement plutôt que pour un bon d’achat. Mais le bon d’achat reste une solution intéressante car il permet à l’enseigne de générer du chiffre d’affaires additionnel et de fidéliser son client. Le bon d’achat se traduit souvent par une dynamique de « upselling », c’est-à-dire de montée en gamme dans l’acquisition des produits. Un bon de 200 € est généralement utilisé sur des produits de 400, 500 voire 800 €. C’est un vrai levier de rétention, sans coût d’acquisition ni de développement.

Avez-vous le sentiment d’une forme de prise conscience généralisée chez les retailers quant aux enjeux de l’économie circulaire ? Comment se déploient vos relations avec les enseignes ?

David Essaiagh : Nous apportons à nos partenaires-enseignes de la distribution un service d’économie circulaire en phase avec leurs objectifs RSE, sans développement. Et ils nous aident en retour à éduquer le marché sur les avantages de la revente de produits. Ils donnent ainsi à leur client la possibilité de gagner en pouvoir d’achat et de contribuer à la transition écologique. 

Il est clair qu’il n’y a pas une enseigne sur le marché qui ne soit pas intéressée par l’économie circulaire. Cela les intéresse de façon unanime. Néanmoins, la question qu’elles se posent est de savoir comment adresser le sujet. La première tentation, pour les enseignes, a été de faire du Vinted ou du Bon Coin directement sur leur site, de façon C to C. Sauf qu’elles se sont rapidement aperçues que la proposition de valeur était limitée, dans la mesure où la concurrence est à portée de clic. L’approche C to B, au contraire, garantit la revente grâce à une mise en relation directe entre le consommateur et les professionnels du reconditionnement. Le tout dans un cadre plus sécurisé.

Comment parvenez-vous à convaincre les professionnels du reconditionnement de rejoindre la plateforme Greendid ?

David Essaiagh :  Nous avons un grand nombre de demandes entrantes, mais elles doivent être conformes à nos guidelines. Notre souhait est de faire de l’économie circulaire au local. Pour qu’un reconditionneur puisse être partenaire, nous exigeons qu’il soit présent en France. Il doit également respecter des exigences en matière d’effacement des données et d’agrément auprès d’éco-organismes.

Il est facile de convaincre les professionnels du reconditionnement car ils ont d’importants besoins d’approvisionnement, dans un marché où l’offre n’est pas suffisamment abondante pour répondre favorablement à la demande. Ils ont besoin d’acheter pour ensuite revendre, et s’intéressent donc à deux gisements : celui des particuliers et celui des professionnels. Nous nous appuyons à ce jour sur un réseau d’une vingtaine de partenaires en France.

L’idée est de fonctionner en circuit court. Ce qu’on dénonce, c’est le sourcing à l’étranger.  Aujourd’hui, il y a une bonne partie des produits qui viennent des États-Unis ou d’Asie alors qu’il y a un gisement disponible en France. Il vaut mieux sourcer un produit à moins de mille kilomètres, en termes d’impact. Et si les reconditionneurs se sentent obligés de s’approvisionner au-delà, c’est parce qu’ils peinent à trouver des produits localement. 

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