W. Koeberlé

William Koeberlé, CDCF : « des fermetures de boutiques sont à craindre si la confiance ne revient pas »

Après la présentation du plan de relance, le président du Conseil du Commerce de France William Koeberlé décrypte pour Actu Retail les enjeux de la reprise pour le secteur du commerce, qui représente à lui seul 3,5 millions d’emplois et 10,6% du PIB français.

Avec le plan de relance, êtes-vous optimiste pour la reprise de l’économie française ?

William Koeberlé : Pendant la crise, le gouvernement a décidé de prendre des mesures à la hauteur des circonstances, avec notamment le chômage partiel, un fonds de solidarité et les charges reportées. Grâce à cela, la grande majorité des magasins ont pu ré-ouvrir au moment du déconfinement. Maintenant, les chiffres d’affaires ne sont pas au même niveau que l’année dernière, et il va falloir rattraper une partie des charges qui, elles, ont perduré. Heureusement, dans le commerce, la période des fêtes de fin d’année stimule souvent l’activité. Seulement si la confiance ne revient pas d’ici là et que les consommateurs hésitent à se rendre en magasin, il y a fort à craindre qu’on assiste à une vague de fermetures de boutiques.

Pour l’instant, seuls ceux qui rencontraient déjà des difficultés de trésorerie ont dû fermer, mais les choses pourraient s’accélérer… Or le commerce représente 10,6% du PIB en France, et autant de TVA ! C’est pourquoi, il importe aux pouvoirs publics d’accompagner les commerçants, sans pour autant avoir peur de la concurrence ni du commerce international, à condition que la première soit équitable, et que le second respecte le principe de réciprocité.

Comment relancer la création d’emplois dans le secteur ?

William Koeberlé : Plusieurs solutions sont possibles, les primes permettent d’avoir un effet immédiat sur les embauches. Avec les exonérations de charges, les effets sont plus durables. Au demeurant, pour favoriser la création d’emplois il faut diminuer les charges. Et les mesures proposées pour relancer l’économie vont dans le bon sens, mais il va falloir continuer à redonner confiance aux consommateurs. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous proposons de créer une Fête du Commerce. Il est important de faire comprendre aux clients qu’ils peuvent retourner en magasin. Pour le moment, nous ne sommes pas encore revenus au niveau d’activité de 2019.

Pour favoriser la relance, vous vous prononcez en faveur de la possibilité d’ouvrir le dimanche et en soirée. Dans quelle mesure ces assouplissements réglementaires peuvent-ils faciliter la vie des commerçants ?

William Koeberlé : Sur cette question, il faut faire preuve de flexibilité ! Prenons un exemple : les enseignes de la fédération du bricolage ont la possibilité d’ouvrir tous les dimanches. Toutefois, actuellement seul en moyenne 12% des magasins de bricolage sont ouverts dimanche, avec un pic en juillet. C’est pourtant simple, les commerçants devraient pouvoir ouvrir lorsqu’ils ont des clients. De même, pendant la période des fêtes, on aurait intérêt à allonger les horaires d’ouverture, tant d’un point de vue économique, que sur le plan sanitaire pour respecter les distanciations sociales.

Certes, il ne faut pas ouvrir partout et tout le temps, mais tenir compte de la demande et s’adapter aux réalités de terrain. Qui pourrait envisager de couper Internet le dimanche ? Et les restaurants ? Je suis content pour eux qu’ils puissent ouvrir le dimanche, mais pourquoi dès lors l’interdire à un petit supermarché en centre-ville ? Il ne faut pas oublier que c’est le commerce qui fait tourner l’économie.

Que pensez-vous du moratoire sur les centres commerciaux proposé par la Convention Citoyenne ? Avec l’avènement du phygital, une telle décision va-t-elle favoriser les entrepôts ou les commerces de proximité ?  La suspension de la TASCOM pendant 3 ans suffirait-elle à mettre tous les acteurs sur un pied d’égalité ?

William Koeberlé : Avec le confinement, on a vu l’importance prise par les géants du numérique. Et justement, la TASCOM à l’origine était une taxe qui avait pour objectif de moderniser l’appareil commercial. Aujourd’hui, nous demandons simplement qu’elle serve ce pour quoi elle a été créée. Entre 2011 et 2017, celle-ci a qui plus est beaucoup augmenté. Dans ces conditions, difficiles de concourir à armes égales, surtout lorsqu’on sait qu’un e-marchand mobilise 2 à 5 fois moins d’emplois qu’un commerce traditionnel pour réaliser le même chiffre d’affaires.  

Cela étant, les commerces vont là où il y a des clients ; avec l’étalement urbain, les populations s’installent à présent en périphérie des villes et les magasins aussi. À nos yeux, un tel moratoire n’a donc guère de sens. Au Conseil du Commerce nous plaidons plutôt pour une stratégie locale de revitalisation, que ce soit en périphérie, avec la restructuration urbanistique et environnementale des zones commerciales existantes, ou dans les centres-villes, où l’attractivité nécessite une amélioration de l’offre.

Le Conseil du Commerce de France s’engage pour la transition numérique. Dans quelle mesure l’omnicanal est-il devenu le modèle de référence pour les commerçants ?

William Koeberlé : Tous les magasins, à de rares exceptions près, cherchent aujourd’hui à développer une activité numérique, tandis que les pure players essayent quant à eux d’ouvrir des magasins. En réalité les deux modèles sont complémentaires ; en effet, on ne propose pas la même offre sur le net et en boutique.

Avec internet, les clients sont désormais plus informés et cela change le rôle du vendeur et le comportement des consommateurs, mais lorsque ces derniers se rendent en magasin, ils aiment toujours voir, toucher, sentir les produits. Avec cette hybridation des modèles, la pratique de la vente a donc considérablement changé. Désormais, l’unité de lieu n’est plus forcément respectée. Autrement dit, il est à présent possible de choisir, de payer et de réceptionner ses produits dans des endroits différents. Selon leurs contraintes, les acheteurs peuvent opter pour le « click-and-collect » afin de gagner du temps, préférer la livraison à domicile pour l’achat de produits encombrants, ou encore passer une commande en ligne et recevoir l’objet dans un point relais.

De nos jours, on estime que près de 8,5% du chiffre d’affaires du commerce de détail en France est réalisé en ligne. Pendant le confinement, certains de nos adhérents ont réussi à doubler ce chiffre, mais ces bonnes performances s’inscrivent dans une tendance de long terme puisqu’on enregistre une progression de 15% par an depuis 5 ans. Avec de nouvelles vitrines d’exposition les commerces de détail améliorent leurs performances ; l’e-commerce (*sources chiffres FEVAD 2020) représente 46% des parts de marché pour le tourisme, 19% des parts de marché pour les produits culturels, 14,7% pour l’habillement, 10% pour la parfumerie et 7,6% pour les produits de grande consommation.

Mais sur les 900 000 magasins en France, on estime que seulement 50% d’entre eux n’ont pas encore de présence effective sur Internet. C’est pourquoi il devient urgent d’aider ces entreprises à réussir leur transformation numérique.

Crédit photo : @PatrickALVES pour le CdCF

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