Nicolas Jeanne (Bolk) : « La restauration robotisée pour rendre accessible le bien-manger »

Créée il y a trois ans et forte désormais d’une équipe de 25 personnes, la société Bolk commercialise un robot en mesure de composer des plats rapides, sains et équilibrés à destination de la restauration collective et des magasins. Opérant en région parisienne, d’abord dans les cantines d’entreprises, le robot Bolk débarque à présent dans l’univers du retail et en particulier au Monoprix situé avenue de l’Opéra à Paris. Nicolas Jeanne, fondateur de la société, revient pour Actu Retail sur cette nouvelle offre de restauration robotisée.

Vous êtes un pionnier de la cantine robotisée. Quel est votre concept ?

Nicolas Jeanne : Au-delà du produit que nous proposons, Bolk est une entreprise qui repose sur deux métiers. Le premier est celui de la robotique. Nos ingénieurs travaillent à la fois sur du hardware, du software et de l’électronique. Cela nous permet de maîtriser la conception et la fabrication du robot que nous proposons ensuite à la vente. Et notre second métier est celui de la restauration. C’est un choix fort qui signifie que nous disposons de nos propres cuisines, de nos cuisiniers, de nos livreurs et de nos camions. Je commence par cela pour souligner que la finalité du projet Bolk n’est pas de faire un robot pour faire un beau robot, mais de fournir des bons plats à prix accessibles dans un temps record.

Concrètement, notre produit est un robot qui n’occupe pas plus de deux mètres cubes. Vous pouvez interagir avec deux faces. Sur la première, le client commande sa recette. Il peut soit choisir une recette existante – il y en a huit, froides ou réchauffées – soit composer de A à Z son plat à l’image d’un bar à salade. Après avoir payé par carte bancaire ou par titre-restaurant, le client se dirige vers la seconde face du robot. Il y voit son plat se composer en temps réel, avec les produits qui sont mélangés, la saute qui est incorporée, etc. Un sas s’ouvre alors pour que le client puisse se saisir de son plat.

Pourquoi vous intéressez-vous aujourd’hui à l’univers du retail ? L’avenir de la restauration en magasin sera-t-il robotisé ?

Nicolas Jeanne : Issu d’une famille de commerçants, je viens du Nord de la France où j’ai eu l’occasion de monter une entreprise en lien avec la famille Mulliez. De fait, je suis bercé par un ADN retail. Et cet ADN, à la base, est de rendre accessible un maximum de produits à un maximum de personnes. C’est clairement notre mission, celle de rendre accessible le bien-manger.

Par ailleurs, le retail se transforme et vise le développement d’une expérience originale de restauration. Notamment pour lutter face à des acteurs comme Amazon. Franprix a ainsi mis en place un bar à salade en libre-service avec Picadeli. Cette approche « bar à salade » s’accompagne d’enjeux en matière d’hygiène, de place en magasin et de rentabilité. Bolk a cet avantage de proposer une offre de restauration différente, en développant davantage de produits chauds.

Quelles sont les technologies embarquées dans un robot tel que celui développé par Bolk ?

Nicolas Jeanne : Le robot comporte, à l’intérieur, 24 tubes qui correspondent chacun à un ingrédient. À la base de chaque tube se trouve un système d’écoulement. Nous proposons, en sus, sept sauces sous la forme de Tupperware reliés à des pompes. Un support permet au bol d’avancer, pour se positionner en dessous des contenants. Les tubes tournent alors à la façon d’un carrousel, de sorte que chaque ingrédient sélectionné par le client puisse s’ajouter dans le bol. Une balance intégrée permet de vérifier que les aliments sont additionnés selon les quantités demandées.

La conception d’un tel robot représente un projet à très long terme. La complexité est de réunir une équipe capable de combiner des compétences à la fois hardware, software et électroniques. Le tout en captant les financements suffisants. Une autre difficulté porte sur l’aspect restauration. Qui dit restauration, dit produit périssable, vieillissement différencié dans le temps, humidité, etc. Tout ceci dans moins de deux mètres cubes. C’est le cumul des deux métiers – la robotique et la restauration – qui fonde la complexité du modèle.

Vous insistez sur la notion de bien-manger. La robotisation est-elle, à vos yeux, une façon adéquate de répondre à cette aspiration croissante des consommateurs ?

Nicolas Jeanne : Pour nous, la robotique est un outil et non une finalité. Je ne suis pas moi-même un ingénieur, mais un entrepreneur passionné qui souhaite s’attaquer à la problématique du bien-manger. La réalité est que le coût des matières premières augmente, contrairement au pouvoir d’achat des ménages. Ces évolutions des structures de coût rendent les équations économiques difficiles à résoudre. Dans la restauration collective, les négociations en cours avec des acteurs comme Sodexo ou Elior sont complexes parce qu’elles doivent tenir compte de ce contexte.

Dans certaines industries, comme celle du textile, l’entrée de gamme s’est automatisée – H&M, Zara, etc. – et le haut de gamme demeure artisanal. C’est une tendance profonde et je pense que nous y viendrons dans la food. Le marché de Bolk est celui du plat à 8 euros, différent donc du restaurant traditionnel où le client se rend pour y vivre un moment convivial. La restauration souffre, en outre, d’une pénurie de main d’œuvre en raison d’un déficit d’attractivité. Cela s’explique par une réticence à travailler le week-end, le soir, dans des conditions épuisantes et pour des salaires pas forcément élevés. De façon structurelle, l’automatisation arrivera dans le secteur de la restauration.

Dans cette perspective du bien-manger, comment élaborez-vous vos recettes ? Des chefs ou des nutritionnistes interviennent-ils pour interroger la valeur nutritive de vos plats ?

Nicolas Jeanne : En tout, nous nous appuyons sur six cuisiniers, sur l’expertise d’une diététicienne et sur un chef cuisinier, qui a notamment travaillé pour d’autres marques connues de la Food Tech. Cette équipe a déjà de l’expérience et c’est un vrai atout pour Bolk. S’agissant de la qualité des produits, tout en restant sur le prix d’un titre-restaurant, nous sommes avant tout attentifs au goût. Cela reste le critère numéro un.

Vous pouvez expliquer ce que vous voulez aux consommateurs : ce qui compte est de savoir si c’est bon ou si ça ne l’est pas. Ce critère goût est souvent lié à des indicateurs de qualité de type AOP ou AOC. Le deuxième critère est celui de la fraîcheur. C’est pour cela que nos cuisines sont situées à Paris. Cela nous permet de travailler en circuit court, dans le sens où ce qui est cuisiné le dimanche se trouve en machine dès le lendemain.

Copyright Photo : Marc Petit

Keep Exploring
Place du Capitole à Toulouse
Occitanie : signature d’une charte pour une meilleure promotion des produits locaux dans la grande distribution