Grégory Hachin (Chango) : « Allier le meilleur du web au meilleur du retail pour développer la mobilité électrique »

Dans un contexte de verdissement de l’économie et plus spécifiquement du transport, le marché de l’électrique connaît un essor soutenu. La start-up française Chango, lancée avec le soutien de 321founded et ViaID, s’inscrit dans cette logique en déployant la première plateforme d’achat dédiée à la mobilité électrique urbaine. Elle propose à la fois des vélos, des scooters, des trottinettes et des quadricycles, tous exclusivement électriques. Grégory Hachin, fondateur et CEO de Chango, répond aux questions d’Actu Retail

Qu’est-ce que Chango ? Quels sont vos constats de départ et quelles sont vos ambitions ? 

Grégory Hachin : Le constat est assez simple. On n’a jamais eu autant de bonnes raisons de passer à la mobilité électrique. La première raison est écologique, en minimisant notre impact et en décarbonant au maximum nos déplacements pour améliorer la qualité de vie en ville. En France, nous avons un millefeuille d’aides et de subventions qui facilitent l’acquisition d’un véhicule électrique et qui en limitent l’impact financier.

Nous assistons en outre à la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE). Ce sont des dispositifs ambitieux, qui vont contraindre un certain nombre de nos concitoyens à passer de facto à la mobilité électrique. C’est quelque chose qui demeure assez peu couvert médiatiquement mais qui va nous impacter dans les années à venir. Le prix de l’essence entre aussi en ligne de mire, de même que celui des véhicules thermiques – neufs ou d’occasion.

Malgré toutes ces bonnes raisons, l’adoption de la mobilité électrique reste assez compliquée. C’est le constat que nous faisons. Ce sont des produits qui, techniquement et en termes de spécification, ne sont pas si simples à appréhender. On parle de couple, d’autonomie, autant de critères absents lors de l’acquisition d’un vélo par le passé – on regardait essentiellement son look et son prix. Il faut maintenant savoir plus précisément quel est son besoin. Il y a un enjeu à être accompagné, pour comprendre ces notions un peu nouvelles. Sans compter que, financièrement, la mobilité électrique est plus onéreuse qu’un vélo « musculaire » ou un scooter thermique – si l’on compare avec ces deux catégories.

Du point de vue de l’offre, il existe une profusion d’acteurs positionnés sur ces segments-là. On dénombre en effet 300 marques de vélo à assistance électrique (VAE) en France ! On peut se demander si cet hyperchoix est de nature à faciliter ou à freiner l’essor du vélo électrique. Par ailleurs, une bonne partie de ces marques sont récentes ou nouvelles, ce qui fait que le grand public ne les connaît pas encore parfaitement. Il en résulte un besoin de les présenter, de rassurer les consommateurs sur ce qu’ils sont susceptibles d’acheter. Cela rend complexe l’acte d’achat si l’on n’a pas la chance d’habiter dans une grande ville ou près d’un magasin. Et sur le web, nous avons fait le constat que l’offre n’est pas non plus complètement accessible.

C’est à ce paradoxe que nous essayons d’apporter une réponse. Le contexte n’a jamais été aussi propice pour passer à l’électrique et, pourtant, la démarche reste compliquée ! Nous pensons que le web peut apporter une solution intéressante, au travers d’une sélection d’une trentaine – voire d’une quarantaine – de marques de qualité. À cela peuvent s’ajouter un grand nombre de services et de fonctionnalités, avec des contenus pour décrypter cette offre. C’est une manière d’engager des bassins de recrutement plus larges que ceux adressés actuellement par les acteurs du secteur. C’est notre constat de départ : le web va nous aider à accélérer l’adoption de la mobilité électrique.

En Allemagne, qui fait partie des marchés les plus avancés sur la mobilité électrique en Europe, un quart des ventes de VAE sont réalisées en ligne. En France, ce chiffre est de 3 % – soit 22 points d’écart ! Nous sommes en retard sur ce point et nous pensons que le format marketplace peut contribuer à le rattraper. L’idée, c’est d’allier le meilleur du web au meilleur du retail. On parle d’achats qui ne sont pas anodins : 1 000 € pour un vélo et entre 3 500 et 4 000 euros pour un scooter. La proposition de Chango est d’avoir le meilleur du web, avec une sélection d’une dizaine de bonnes marques sur les segments de l’électrique, tout en ayant la possibilité de basculer « dans la vraie vie » en proposant au consommateur d’enfourcher et de tester un véhicule électrique. 

Quels types de services proposez-vous au travers de Chango ? Et pourquoi avoir souhaité retenir une approche marketplace pour atteindre les consommateurs ?

Grégory Hachin : Ce sont deux questions qui se situent au cœur du modèle que nous avons retenu. Nous avons eu le sentiment qu’il était possible d’aller plus loin que ce qui était actuellement proposé en France en matière de services. Il ne suffit pas de mettre des vélos sur une étagère – ou une e-étagère – pour les vendre. Le client a besoin d’être rassuré dans son choix, de savoir si la marque qui l’intéresse est qualitative, si tel vélo correspond à tel besoin etc. Tout ceci est nécessaire avant de prendre la décision d’investir quelques milliers d’euros dans un vélo ou un scooter électrique. Nous n’en sommes qu’aux prémices de cette dimension servicielle. Nous avons l’ambition de faire bouger les lignes et d’être aux avant-postes sur ces aspects. 

Concrètement, comment peut-on aider le consommateur à faire le bon choix ? Nous proposons pour cela des calls par visioconférence avec nos experts mobilité. Avoir l’occasion d’échanger pendant un quart d’heure, de manière « débiaisée », avec un expert qui prend en compte mes besoins et m’oriente vers le meilleur modèle, c’est absolument différenciant ! Nous sommes absolument libres dans nos recommandations parce que nous n’avons pas de stocks à revendre coûte que coûte.  

Un autre service que l’on propose, c’est le conseil et la collecte de subventions. Ce service de conseil n’est à ce jour pas proposé dans la filière. Lorsqu’il y a du flux en magasin, les vendeurs n’ont pas le temps d’expliquer le maquis des subventions disponibles. Enfin, nous proposons du test ride. Lorsqu’un client a repéré deux ou trois modèles qui lui ont été conseillés, il peut les essayer selon différentes modalités. Nous organisons des sessions d’essais dans les grandes villes, ou alors nous nous rendons directement au domicile du client. Nous montons aussi des pop-up stores, dans une logique multi-marque, avec une quinzaine de vélos. Cela peut se faire en partenariat avec les villes, dans le cadre par exemple de la Journée du vélo de Neuilly-sur-Seine ou du Salon du vélo à Paris.

Nous développons également cette logique auprès des magasins revendeurs de vélos. Et cela fait le lien avec notre positionnement sous la forme d’une marketplace. Nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’immobiliser du stock parce que cela détruit de la valeur. Un stock, cela a malheureusement un prix ou, en tout cas, un coût d’immobilisation. Ce coût va être répercuté soit au marchand soit au client – bien souvent aux deux. Compte tenu de la conjoncture actuelle et des turbulences constatées sur les niveaux de stock dans la filière vélo, il nous semble plus utile de nous plugger sur des stocks existants. D’où le format marketplace. 

Et donc les stocks, où sont -ils ? Ils se situent chez les marques qui sont en capacité d’expédier chez le consommateur final. Je peux citer Gaya, Shiftbikes ou encore Elwing. Ou alors, ces stocks se trouvent chez les revendeurs de vélos pour les autres marques. Notre souhait est de travailler avec ces revendeurs, pour leur permettre d’avoir une visibilité en ligne grâce à la marketplace – et donc d’accueillir du test ride chez eux et d’accélérer la rotation de leurs stocks.

On comprend qu’il y a un contexte réglementaire qui est assez volatile en matière de mobilité électrique, avec l’exemple récent d’une votation défavorable à la trottinette à Paris. Comment cela vous impacte-t-il vous et vos consommateurs ?

Grégory Hachin : Globalement, je pense que le mouvement va dans le sens de la conversion des Françaises et des Français à la mobilité électrique. La votation à Paris va graduellement soutenir les ventes de trottinettes neuves du fait de la fin du free-floating, mais je ne suis pas convaincu qu’on ait un raz-de-marée non plus. Je pense que ceux qui pratiquaient le free-floating ne sont pas nécessairement les mêmes personnes qui achèteront une trottinette pour l’utiliser tous les jours.

Pour citer une autre évolution réglementaire, la mise en place du stationnement payant pour les scooters thermiques à Paris a entraîné un boom des commandes en électrique. De façon générale, cela va dans le bon sens – et heureusement, puisque la mission de la puissance publique est d’inciter au passage à l’électrique. Les subventions ont un effet significatif et direct sur cette transition.

Est-il exact de dire que la France est en retard sur l’utilisation de solutions de micromobilité électrique par rapport à ses voisins européens ? 

Grégory Hachin : Nous ne sommes pas complètement en décalage, mais le diable est dans les détails. Nous figurons parmi les pays les plus en avance en Europe et dans le monde sur la location – en englobant les Vélib, les Autolib, les Free-to-Move, les trottinettes et les vélos en free-floating. Nous sommes l’un des plus grands marchés européens. En la matière, nous ne sommes pas du tout à la traîne.

En revanche, la France n’est pas si avancée que cela en termes de prise de conscience d’un passage à une mobilité électrique pour les trajets de la vie quotidienne. C’est une différence avec l’Allemagne ou les Pays-Bas – sans parler des pays nordiques – où le vélo est culturellement beaucoup plus ancré. C’est paradoxal, dans la mesure où nous disposions en France d’une industrie du cycle pointue et performante. Il y a eu un passage à vide après les succès de Peugeot Cycles ou de Matra, des marques incroyablement patrimoniales et fortes industriellement.

Actuellement, il y a un mouvement de relocalisation de la production en Europe, notamment au Portugal, en Europe de l’Est et en France – avec la Manufacture du Cycle. Notre industrie du cycle est en train de reprendre du poil de la bête parce que le marché explose. Je dirais qu’on a un profil un peu atypique en France, en avance sur certains aspects – la location – et en recul sur d’autres – la propriété. Il nous appartient de pédaler plus vite pour rattraper nos voisins allemands !

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