David Gabai (Boxy) : « Des frigos et des meubles connectés pour digitaliser les canaux de distribution »

Le déploiement de magasins autonomes a mis en avant la question de la digitalisation des lieux de distribution comme un enjeu de premier plan pour le monde du retail. Dans cette logique, la société Boxy a déployé pendant plusieurs années des supérettes connectées en Île-de-France. Elle change désormais de modèle et s’oriente vers la commercialisation de modules connectés, pour proposer des points de vente alternatifs aux consommateurs au cœur de leurs lieux de passage du quotidien. Échanges avec David Gabai, co-fondateur et directeur des opérations de Boxy.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé, dans votre parcours, aux nouveaux modes de distribution ?

David Gabai : Nous sommes venus à travailler sur le sujet de façon assez naturelle avec Tom Hayat, avec qui j’ai cofondé Boxy et qui est à l’origine un ami de lycée. Nous avons fait nos études au même moment et avons planché tous deux sur les questions relatives au marketing digital : optimisation des applications et des sites en ligne, rationalisation des parcours clients, etc. Nous savions rapidement que nous voulions créer une entreprise et avons demandé à nos écoles respectives de pouvoir dédier nos projets de fin d’étude à cette perspective, plutôt qu’en laboratoire ou dans une société existante.

Notre point de départ était de considérer que les caméras de vidéosurveillance sont en quelque sorte des « cookies » intégrés au monde réel, pouvant collecter de nombreuses données. Nous avons d’abord exploré la piste de solutions de reconnaissance d’images dans les magasins physiques, sur la base de technologies d’analyse de données. Nous avons par la suite étudié de potentiels domaines d’application : puisque l’analyse des parcours clients était déjà couverte par une multitude de solutions, nous nous sommes à l’époque fixés pour objectif de devenir le « Amazon Go français ».

Vous passez d’un modèle B2C (les supérettes connectées) à un modèle B2B (les frigos et les meubles connectés dans des zones de passage) : pourquoi ce virage stratégique ? Allez-vous tout de même poursuivre le développement d’activités B2C ?

David Gabai : Ce virage du B2C au B2B s’est fait pour plusieurs raisons. La demande vient d’abord du marché, de nos consommateurs. Nous avons effectivement réalisé un sondage avec OpinionWay avant l’été, ce qui nous a permis de constater que les lieux où nos clients réclament le plus de points de vente en libre-service sont les zones de vie du quotidien : les bureaux, les hôpitaux, les gares, les universités, etc.

En parallèle, de nombreux professionnels nous ont interrogés sur la possibilité d’exploiter la technologie de nos supérettes connectées pour vendre des produits via d’autres verticales, d’autres marchés. Nous avons donc décidé de répondre à ces deux tendances en concevant une nouvelle offre B2B, pour permettre à nos prospects professionnels d’opérer des formats de distribution automatique dans une grande variété d’espaces de vie. 

Nous avons simplifié le format de distribution, pour qu’il soit adapté à ces zones. C’est tout l’intérêt de nos modules, secs ou réfrigérés, qui permettent de déployer le nombre de références adéquat pour chaque espace. Par exemple, une entreprise ayant besoin de livrer 40, 80 ou 120 repas chaque midi peut ajouter des modules selon ses besoins. Nous proposons donc une offre multiformat, un système d’exploitation propriétaire permettant d’opérer ces modules ainsi qu’un accompagnement sur-mesure de nos clients. 

Ce choix s’est imposé à nous car le développement d’un modèle B2C est très coûteux, en particulier à cause des investissements nécessaires en logistique. Nous nous sommes rendu compte que les opportunités de marché étaient plus importantes en commercialisant une solution B2B, en nous appuyant sur des partenaires dont le métier est celui de la logistique. Pourquoi maintenant ? Parce que quatre années ont été nécessaires afin de concevoir et développer notre solution technologique, matériel et logiciel inclus. Il s’agissait d’un prérequis afin de proposer une solution en adéquation avec les besoins des professionnels de ce marché.

Les magasins Boxy actuellement déployés en Île-de-France vont-ils continuer à fonctionner ? Ou sont-ils appelés à disparaître à mesure que vous commercialiserez votre nouvelle offre de modules connectés ?

David Gabai : Nous stabilisons actuellement le nombre de ces magasins ainsi que notre plateforme logistique. Nous avons atteint une forme de rentabilité opérationnelle et maintenons donc le modèle en l’état. Nous avons, en revanche, décidé de ne pas ouvrir de nouveaux points de vente et concentrons l’ensemble des efforts de R&D et de marketing à notre nouvelle offre B2B.

Pour mieux comprendre le fonctionnement de ces modules autonomes : allez-vous réutiliser la solution logicielle des magasins Boxy ? Comment cette solution va-t-elle opérer ?

David Gabai : Physiquement, notre solution ressemble à un réfrigérateur de supermarché. La porte est scellée avec une serrure électromécanique : il est simplement demandé au consommateur de scanner sa carte bleue ou le QR code de l’application s’il y est inscrit. Une autorisation de prélèvement est générée sur sa carte bleue et la porte est déverrouillée. Il peut prendre le ou les produit(s) qu’il souhaite acheter et n’a qu’à refermer la porte.

C’est une expérience qui se déploie complètement en libre-service. Notre technologie de capteur de poids et de reconnaissance d’images permet de comprendre ce que le consommateur saisit. Lorsqu’il termine ses achats, il est automatiquement débité en fonction des produits sélectionnés.

Quel est le taux d’erreur associé à une telle solution ? Prévoyez-vous un service après-vente en cas d’erreur de la part de votre technologie ?

David Gabai : Ce taux d’erreur devrait se situer entre 1 et 2 % des achats effectués. Le client, en cas d’erreur après vérification de sa facture, peut lui-même effectuer une réclamation, en un clic. Ces réclamations sont centralisées sur notre plateforme et traitées par notre équipe support. Si une erreur est effectivement constatée, le reçu est corrigé et le montant débité ajusté.

Partagez-vous l’idée selon laquelle le digital serait une chance pour le commerce, un complément aux magasins traditionnels ?

David Gabai : En effet, c’est une brique que nous estimons complémentaire. Notre conviction est que la vocation première de nos modules est de créer des opportunités de marché qui ne sont pas adressées par d’autres acteurs. Si vous êtes hospitalisé et qu’il est 23 heures passées, aucune solution n’existe afin de vous permettre de dîner. Nos modules comblent ce manque dans la mesure où ce sont des solutions disponibles 24h/24 et 7j/7. À mon sens, nous faisons croître le marché plutôt qu’en prendre une part au détriment d’autres acteurs. J’y vois peu de cannibalisation de marché.

En outre, ces modules sont installés dans des lieux où un magasin conventionnel ne serait pas rentable. C’est le cas d’une entreprise de 200 employés qui n’a pas forcément les moyens d’investir dans une cantine collective. Ce qui me fait penser qu’il n’a jamais été reproché à la restauration collective de retirer des parts de marché aux restaurants situés à proximité des bureaux.

Quels sont les produits proposés au sein de vos modules ? Comprennent-ils également du non alimentaire ?

David Gabai : Nous ne prévoyons pas nous-mêmes les assortiments puisque nous vendons notre solution à des exploitants. En tout cas, notre technologie permet la vente de produits aussi bien « frais » que « ambiants ». Nous disposons d’une offre de meubles « secs » permettant de vendre des produits d’épicerie, électroniques, d’hygiène ou d’entretien. Nous disposons également d’une offre de modules destinés à la vente de produits réfrigérés entre 0 et 8 °C. Notre solution la plus plébiscitée est d’ailleurs un réfrigérateur permettant de distribuer des repas en entreprise, qu’il s’agisse de plats, de sandwichs, de salades, de boissons ou de desserts. 

Nous développons également des épiceries en partenariat avec des stations-service. Elles comprennent une offre de snacking et de produits d’entretien pour véhicules. Nous pourrions aussi imaginer que certains employés de bureau aient besoin d’un module ambiant pour y acheter des écouteurs, des chargeurs, etc. Tout type de produit pourra être vendu au sein de nos modules, à l’exception des produits surgelés.

Vous mettez donc à disposition le module et le client fait ensuite appel à un distributeur pour l’alimenter, est-ce bien cela ?

David Gabai : Nous ne fournissons plus de solution logistique. Par exemple, dans le cas d’une gare, nous nous associons à un distributeur ayant un contrat de concession avec son exploitant. Le distributeur installe notre module comme la concession lui en donne le droit. Nous n’exploitons pas le module mais fournissons l’équipement et la solution logicielle associée.

Le sujet de la consommation responsable est aujourd’hui indissociable du monde du retail : intégrez-vous cette dimension dans le cadre de votre virage stratégique ?

David Gabai : Certains de nos choix sont pris dans cette perspective. Par exemple, nos équipements sont conçus et assemblés en France, avec un partenaire historique des magasins Boxy. Le niveau de consommation énergétique de notre solution est conforme aux dernières normes. Sans compter que l’achat d’un module est un acte écologiquement responsable en termes de consommation de ressources – en comparaison avec une cantine collective.

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