Fred Mellot (Stokelp) : « Réduire le gaspillage alimentaire grâce au rachat des surstocks de matières premières »

Selon l’Ademe, 30 kilogrammes de nourriture sont jetés en France chaque année en moyenne par habitant. La question du gaspillage alimentaire, sous le double prisme des crises géopolitiques internationales et de la lutte contre le changement climatique, est ainsi devenue hautement stratégique dans l’univers de la grande consommation. Si certains modèles promettent de réduire le gaspillage des distributeurs et des consommateurs, d’autres entreprises, comme Stokelp, choisissent de traiter cet enjeu à l’échelon industriel. Actu Retail est allé à la rencontre de Fred Mellot, Chief Product Officer de Stokelp.

Quels éléments dans votre parcours personnel vous ont conduit à rejoindre Stokelp ?

Fred Mellot : J’ai rejoint la société il y a quelques mois, mais je travaille depuis une dizaine d’années déjà dans le milieu de la tech. J’ai intégré Stokelp avec le souhait de mettre en cohérence mon parcours professionnel avec certains engagements plus personnels. Peu d’entreprises tech ont aujourd’hui un réel impact sur la distribution et la consommation de produits alimentaires à l’échelle européenne – qui est à mon sens l’échelle la plus pertinente pour répondre aux enjeux du gaspillage alimentaire. Certaines entreprises comme Too Good To Go ou Phenix ont émergé afin de répondre à cette problématique, mais elles interviennent plutôt en bout de chaîne. 

Faire évoluer les processus industriels pour limiter le gaspillage alimentaire, grâce à une mise en relation entre producteurs, est un sujet complexe. J’ai été impressionné par la capacité des équipes de Stokelp à générer, au travers de leur plateforme, un engouement pour les enjeux relatifs au gaspillage alimentaire industriel – qui est devenu un sujet d’ampleur dans notre pays. Et c’est un défi que l’entreprise a su relever en développant son activité sur des bases financières saines et pérennes. Tous ces éléments m’ont donné envie de faire partie de cette aventure.

Quelles sont les solutions proposées par Stokelp et comment sont-elles déployées auprès de vos clients ?

Fred Mellot : Notre offre répond en premier lieu à une problématique de gestion des stocks. Certains fabricants de produits alimentaires – prenons l’exemple d’une coopérative fabriquant des compotes dans la Drôme – sont en situation de surstock systématique. Il s’agit du quotidien de ces sociétés. Avant l’arrivée de Stokelp, la seule solution existante pour résorber ces stocks restait l’incinération, synonyme de perte économique, de gaspillage significatif et d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Il n’existait pas de filière permettant d’écouler ces stocks de manière pérenne. 

Stokelp offre à ces producteurs l’opportunité de transformer ces surstocks en liquidités sur le marché de l’agroalimentaire. Ils peuvent ainsi être vendus à d’autres fabricants à moindre coût – et même en temps de pénurie ! Le marché de l’agroalimentaire a été traversé de nombreuses crises d’approvisionnement ces dernières années, en lien notamment avec la guerre russo-ukrainienne. Dans un tel contexte, notre solution contribue à optimiser la répartition des stocks entre fabricants et trouve tout son sens.

Stokelp est donc une marketplace permettant d’accroître la liquidité des stocks tout en favorisant le développement d’activités circulaires. Ce qui apporte de la sobriété et de la résilience au secteur de l’agroalimentaire. Pour donner un exemple, l’un de nos clients vient d’échapper à une perte sèche de 400 000 € qui aurait pu mettre à mal ses objectifs annuels : avec Stokelp, l’entreprise est en effet parvenue à revendre son surstock à hauteur de 70 % de son coût initial.

Notre plateforme met en relation des acheteurs auprès de vendeurs qui disposent d’un surstock à écouler. Nos clients acheteurs sont attirés par le prix réduit des produits, ainsi que par la promesse de limiter leur impact environnemental en s’approvisionnant « en seconde main ».

Quelles garanties apportez-vous sur la qualité des produits achetés ?

Fred Mellot : Nous achetons nous-mêmes systématiquement les produits mis en vente et sommes donc garants de leur qualité. Nous sommes titulaires de labels qui nous permettent de certifier la conformité de notre processus d’entreposage alimentaire. Les produits sont ainsi conservés dans des conditions optimales. Nous collaborons également avec des prestataires pour assurer le transport de ces marchandises, en frais ou en surgelé, à l’échelle européenne. Nous agissons en tant qu’intermédiaires au moment de la vente.

Vous avez récemment réalisé une seconde levée de fonds : quelles sont les perspectives de développement de Stokelp ?

Fred Mellot : Nous venons effectivement de lever trois millions d’euros. Notre première levée en « pre-seed » était destinée à la création de la version originale de notre plateforme et à la constitution de l’équipe de départ, incluant des commerciaux et des développeurs. L’objectif de cette seconde levée est de passer à l’échelle et de nous implanter dans de nouvelles zones géographiques en Europe, comme l’Allemagne. Nous allons également élargir les fonctionnalités de la plateforme. Aujourd’hui, notre site permet de trouver une partie de l’éventail des produits que nous souhaitons proposer à terme. Au bout du compte, l’objectif serait de mettre à disposition une plateforme permettant à un fabricant de combler l’ensemble de ses besoins en matières premières.

Notre équipe comprend actuellement une quinzaine de collaborateurs, répartis équitablement entre les fonctions techniques et commerciales. Nos clients vendeurs sont présents dans toute l’Europe, reflétant la diversité des besoins de nos acheteurs. Notre échelle naturelle reste ainsi le marché européen, car elle est la plus pertinente afin de pouvoir identifier et faire livrer les bons produits. Les acheteurs sont quant à eux localisés principalement en France. Un objectif est donc d’élargir, côté acheteurs, la variété des pays concernés.

Quels sont, à vos yeux, les éléments saillants de la proposition de valeur de Stokelp ?

Fred Mellot : Notre modèle est celui d’une marketplace BtoB. Nous n’avons pas pour objectif de remplacer l’expertise humaine par des « bots ». Nos commerciaux ont des profils très seniors et témoignent d’une large connaissance de leurs filières respectives. Contrairement à la façon dont est organisée une société de négoce traditionnelle, notre plateforme appuie ces experts dans leur compréhension des besoins des acheteurs, la proposition des produits disponibles, l’envoi automatique d’alertes mails, etc.

Notre marketplace permet à ces experts de focaliser leur attention sur leur réelle valeur ajoutée : la connaissance fine des produits pour conseiller à la fois acheteurs et vendeurs. Dans le premier cas, cela veut dire trouver le bon vendeur et une matière première de qualité. Dans le second, mettre en avant le produit au meilleur moment et au meilleur prix. Notre métier reste très dépendant de la technicité humaine : les « bots » ne pourraient pas faire office de solution pleinement pertinente.

Votre présence dans plusieurs pays européens génère-t-elle une complexité additionnelle ? 

Fred Mellot : La relative uniformité réglementaire en Europe, ainsi que la présence d’une monnaie commune, font de cet espace l’échelon idéal pour mettre en relation acheteurs et vendeurs dans le secteur de l’agroalimentaire. Le nerf de la guerre demeure la logistique et nos partenaires, comme STEF, sont déjà implantés partout en Europe. Ils sont capables de récupérer des groseilles en Pologne et de les livrer en France.

Les industriels représentent, selon l’Ademe, environ 20 % du gaspillage alimentaire en France : une solution comme Stokelp permettra-t-elle de réduire durablement ce chiffre ?
Fred Mellot : C’est un point très important. Il est extrêmement difficile de résorber les 80 % de gaspillage constatés en bout de chaîne, car cela signifie agir sur des volumes réduits, des emballages de petite capacité et des mélanges. Réduire le gâchis alimentaire sur une masse aussi fragmentée est extrêmement fastidieux. À l’échelle industrielle, les échanges se font au camion, à la tonne : il est donc particulièrement intéressant de réduire le gaspillage industriel si l’on cherche à avoir un impact rapide et significatif.

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